Biographie

Pavel HAK

Oeuvre(s)

" Safari (2001) Sniper (2002) "

Roman

Editions Tristram

Né en Tchécoslovaquie en 1962, Pavel Hak, issu d’une famille ouvrière, entre à l’usine à 15 ans. Il continue cependant de suivre des cours et décroche, quelques années plus tard, un bac technique, condition sine qua non pour entrer à l’université. Mais à l’époque, la vie intellectuelle dans l’ex-Tchécoslovaquie est plutôt restreinte et la censure sévit.
Pavel Hak quitte son pays pour l’Italie puis la France où il arrive en 1985. Il a alors 23 ans et ne parle pas un mot de la langue de Baudelaire, celle qui deviendra comme il la définit lui-même « sa langue d’écrivain ». Pavel Hak décide de suivre des cours de philosophie en Sorbonne dont il ressortira, aux abords de la trentaine, titulaire d’une licence. Et ce n’est qu’à l’âge de 37 ans qu’il écrit son premier récit en français : Safari.
Roman « barbare », comme le qualifie son éditeur, Safari suit l’abominable périple en Afrique d’un mâle raciste, caricature de "p’tit Blanc" dominateur au cigare entre les dents, qui entend de concert chasser le rhinocéros et dompter la gazelle noire, flatter son instinct meurtrier et apaiser sa fringale sexuelle, avec le même mépris des autochtones.
Frôlant la pornographie, le récit convoque la crudité dans tous ses états : conquérants priapiques et militaires cyniques s’adonnent à toutes les pulsions, de la jouissance tarifée aux exécutions sommaires jusqu’aux viols collectifs. Imperturbable, Pavel Hak poursuit jusqu’au chaos sa fresque insupportable d’un monde sauvage, animal, d’une jungle toute proche où règnent toutes sortes de corruption.
Safari est un livre effarant, une fable sur l’apocalypse à la fin de laquelle ne subsiste qu’un « animal fabuleux à tête d’homme » qui contemple le désert, sphynx perplexe devant le mystère de tant d’inhumanité.
( Cette notice est le résumé de l’article paru dans Le Monde des Livres du 28-06-2001).
Sniper reprend la même interrogation de la violence contemporaine, à propos de la guerre cette fois. Ce roman n’est pas situé géographiquement (même si on pense immédiatement à l’ex-Yougoslavie) car Pavel Hak voulait « travailler du point de vue de la fiction pure et ne pas ancrer la fiction dans un contexte historique trop concret. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler ce que la fiction a de propre. » « Un des enjeux du roman est de refléter l’engrenage de la guerre, montrer comment un événement complexe frappe et absorbe la vie et le destin de personnes très différentes les unes des autres ».
C’est pourquoi l’auteur se poste tour à tour en diverses positions : à la place du sniper (« Je charge mon fusil. Ma grandeur, mon rôle inouï dans l’histoire de l’humanité, je le dois à ce morceau d’acier : au moment où l’homme peut tuer à distance (sans prendre de risque personnel), l’espace (et avec lui la logique du monde) bascule. Chaque balle que je tire achève une longue histoire du monde…»), aux côtés d’un homme qui n’en finit pas de creuser la terre gelée pour déterrer les cadavres de ses proches (« Creuser, marteler la terre là où elle cache les crimes, est le seul moyen de savoir ce qui s’est passé ») puis dans le sillage d’un groupe de fuyards symboliquement guidée par une muette (l’obsession du sniper, dès les premières pages du livre, est de tuer le langage : tuer « la
bouche parlante »).
L’autre enjeu du roman est la représentation des crimes de guerre : comment raconter, sans voyeurisme, les horreurs commises par un commando de militaires cyniques, qui exécutent, violent, torturent sans état d’âme, et sont décidés à aller jusqu’au bout de leur nettoyage ethnique? La charge émotionnelle de ces descriptions d’atrocités, oscillant entre style documentaire, lyrisme et roman de gare, prend la littérature en otage. Pavel Hak accuse la fiction contemporaine, sa façon de s’emparer des corps pour investir le réel. Guerre et roman sont coupables des mêmes pulsions : l’abolition de toutes limites dans le délire sexuel.
Au-delà du monologue halluciné d’un tireur embusqué (« Je suis la violence pure. Mais, étant donné que je remplis une mission (tuer tout ce qui menace notre empire), je suis également au-dessus des qualificatifs moraux »), le romancier tchèque propose une réflexion sur la guerre, sur le rôle de l’écrivain et le regard qu’il porte sur la violence contemporaine.
(Cette notice s’inspire largement de l’article paru dans Le Monde des Livres du 4-10-2002 et del’interview du romancier réalisé par Frédéric Ciriez pour la FNAC).