Biographie

Jean ECHENOZ

Oeuvre(s)

" Au piano "

Né en 1947 à Orange, Jean Echenoz vit plusieurs années à Aix-en-Provence avant de poursuivre des études de sociologie à Paris.
Son premier roman Le Méridien de Greenwich (1979) met en exergue son esprit expérimental et son goût des constructions abstraites qu'il a hérités du Nouveau Roman mais tout l'univers de ses romans à venir est déjà en place : une humanité interlope et de
gagne-petits, de vauriens fatigués et de détectives ringards, déambulant entre des quartiers populaires de Paris et une banlieue indéfinie et chaotique.
Cherokee (1983, prix Médicis) emprunte son titre à un célèbre morceau de jazz, et son intrigue compliquée au plus fameux des "polars", Le Faucon maltais. Mais de la grande geste policière, ce roman ne garde que le principe narratif et quelques poncifs dérisoires, tandis que le décor prend le pas sur l'histoire, explore les temps morts et les espaces intermédiaires qui tissent le vécu contemporain, s'attarde sur une multitude d'objets modernes d'apparence banale mais qui deviennent étranges ou drôles sous le regard ironique de l'auteur. L'usage ambigu des formes narratives et des topoi de la littérature de grande consommation est un des principaux ressorts de cette drôlerie, comme le confirme, dans L'Equipée malaise (1986), la référence aux romans exotiques de Joseph Conrad et dans Lac (1989, Grand prix du Roman de la Société des gens de Lettres 1990 et Prix européen de littérature) les emprunts au roman d'espionnage, dans le style de John Le Carré.
Piratant tous les vecteurs de la culture de masse, Jean Echenoz publie Nous trois (1992), description du tremblement de terre de Marseille, qui est une démonstration de l'influence que les voix collectives et anonymes ont sur notre perception des événements.
Suivront Les Grandes blondes, Prix Novembre 1995, et Un an en 1997. Cette même année il recevra le Grand Prix du roman de la Ville de Paris pour l'ensemble de son oeuvre. En 1999, Jean Echenoz reçoit le Prix Goncourt pour Je m'en vais.
Avec Je m'en vais, l'écrivain retrouve ses thèmes de prédilection (la femme, la fuite, la fatalité) "pour les porter au sommet d'une virtuosité incandescente. Car le talent de Jean Echenoz est semblable à une allumette. Il peut, tout à la fois, brûler et illuminer".
(M.L. Delorme). Je m’en vais, c’est aussi la formule d’adieu d’un siècle bien incapable de savoir où il va et qui oublie même de se poser la question. Il s’en va, c’est tout ». (Pierre Lepape, Le Monde).
En 2001, Jean Echenoz, rend hommage au seul éditeur qui ait accepté son premier manuscrit mais surtout hommage à un homme de lettres, à un ami décédé : Jérôme Lindon.
Au piano (2003), son dernier roman, nous rappelle que le maître de Jean Echenoz n’est autre que Flaubert : même obstination de la phrase parfaite, goût des vertiges temporels, construction savante et ludique qui met en jeu, derrière un récit manifeste, toute une architecture seconde de réseaux narratifs latents. De même, comme chez Flaubert, son écriture fait coexister des registres très contrastés de la gravité à la drôlerie. La première partie d’Au piano est un « formidable portrait de concertiste déconcertant, désabusé, talentueux et alcoolique » (J-B Harang), Max Delmarc, qui meurt à la page 86. Mais « il semblait cependant, qu’une fois mort, Max continuât de ressentir les choses ». « La deuxième partie a pour cadre un établissement étrange, mi-hôpital mi-prison de luxe, quelque chose entre Tati et Kafka » (P. Kéchichian) : le purgatoire où rôde le personnage porte-malheur des Grandes Blondes, Béliard, sorte d’ange gardien du diable. Quant à la dernière partie, elle se déroule en enfer, pas si loin de nous, jusqu’à l’épilogue dont on ne
sait s’il relève « de la justice immanente ou de la névrose de destinée ». Avec un art inégalable, Jean Echenoz mêle humour et émotions inquiètes, drôlerie et certitudes vacillantes ; le rire laisse entrevoir d’infimes fêlures dans la trame de la réalité, le trouble s’insinue.