Biographie

Guy DUPRE

Oeuvre(s)

" Dis moi qui tu hantes "

Né à Fécamp en 1928, d’un père normand et d’une mère d’origine nippone, Guy Dupré étudie au Lycée Henri IV et à l’Université de Louvain.
Editeur chez Plon, puis journaliste à Paris-Match, Guy Dupré publie son premier roman à vingt-cinq ans : Les fiancées sont froides (1953), titre emprunté à un vers de Milosz. Ce livre, paru sur la recommandation de Julien Green («Voici l'aube d'un grand talent» avait-il annoncé), propose un récit hanté par la mort de celles que Dupré a aimées. Une messe noire, pleine de douloureuses réminiscences et de transgressions, aussitôt saluée par la critique et notamment par André Breton et Marguerite Yourcenar.
Après un quart de siècle de silence, rompu seulement par quelques articles donnés à La Parisienne et à Combat, Guy Dupré publie en 1981 Le Grand coucher. Sous l'apparence d'un roman, l'écrivain propose un soliloque funèbre sur l'interminable guerre : de 1871 à 14-18, de 1940 au putsch des généraux d'Alger et à l'attentat du Petit-Clamart, spectres hâves et sanglants, générations entières ensevelies dans les nécropoles silencieuses.
Suivront, en 1986, Les Mamantes, où l'auteur se lance, tel le héros d'un roman d'espionnage, dans la quête de sa filiation et de "l'histoire souterraine des choses".
En 1989, Guy Dupré publie le premier volume de ses Mémoires, Les Manoeuvres d’automne (Prix Novembre) : portraits de femmes sublimées, phrases acides sur le "culte de la défaite", féroces sur les hommes politiques du moment et puis des aveux sur lui-même : «De ma grand-mère japonaise je souffrais comme d'un ventre fantôme.
Elle était la Butterfly inconnue que je rapprochais de ma suicidée d'amour. A jamais elle m'empêcherait de me sentir blanc parmi les Blancs.»
En 1996, Guy Dupré publie C'est le sang de l'amour et le sang de la peine avant de revenir, en 2001, au récit de sa vie, là où on l'avait laissé dans Les Manoeuvres d'automne, avec Comme un adieu dans une langue oubliée.
Dans cet ouvrage de mémoires, Guy Dupré mêle à sa biographie des événements militaires comme si toute créature, toute rencontre était l’aboutissement d’une bataille ancestrale. Une fois de plus, il se trahit mieux par ses obsessions que par l'aveu des actes et des faits.
Au premier chef de ses obsessions (récurrentes dans ces 5 récits) : la Grande Guerre, celle de 14-18, « recouverte par le nouvel Holocauste, la guerre de 40 », la recherche de la filiation qui le hante au point de transformer sa vie en invention littéraire, une sorte de rage à recomposer le passé, à réécrire l'Histoire, et puis les portraits de «dames qui ont un long passé».
Comme un adieu dans une langue oubliée mêle les visages des amantes couchées sur le papier et les figures, connues ou non, d’une Histoire encore vivante qui coule dans ses veines. « Dans la salle du temple de mémoire - écrit-il - je repasse mes anciennes actualités ». Et voici que se dressent, sous sa plume aiguisée, Jean Cocteau, Bernanos, André Breton, Lise Deharme, Julien Green, Arletty, Marcel Proust, Pétain... et surtout ses "amantes mortes" telle Elisa Schlesinger que Flaubert enfant pleure «haletant dans l'ombre et sous la pression d'un regret immense plus doux que la lune et plus insondable que la nuit».
Guy Dupré vient de publier un recueil d’études : Dis-moi qui tu hantes (janvier 2003). « Cette oeuvre, non romancée, regroupe des textes publiés entre 1955 et 1995, articles écrits à chaud ou études qui reflètent les préoccupations et prédilections majeures du romancier mémorialiste. Des arrière-plans de la Révolution française aux arcanes de l’affaire Dreyfus, de la Grande Guerre aux guerres coloniales, c’est une revisitation de nos théâtres d’opérations extérieures et intérieures, mais aussi une recherche en filiations et
compagnonnages littéraires et spirituels ; la confraternité des gardiens et intercesseurs, tels Nerval et Apollinaire, Bloy, Breton et Bernanos, Vigny et Jünger, Jouve et De Roux, qui en dépit des feux de l’histoire nous ont aidé à ne pas oublier l’au-delà de nos jours. » (4ede couverture)
A contre-courant des modes, Guy Dupré occupe une place singulière et quasi unique dans la littérature française. «Ses écrits, réputés difficiles, livrent une étrange musique, scandée par la réitération. En surgissent des images en demi-teintes, douces et amères, parfois fulgurantes et terribles comme les anges de Rilke.
Un curieux mélange de réalité sombre, de souvenances, de rêveries et de méditations douloureuses, servi par une plume à la fois raffinée et cruelle» (J. J. Moureau).