Biographie

Sylvie GERMAIN

Oeuvre(s)

" Magnus "

Née en 1954 à Châteauroux, Sylvie Germain connaît une enfance ballottée de ville en ville, au gré des affectations de son père, sous-préfet. Attirée par la peinture et les beaux-arts, elle choisit pourtant de suivre l’enseignement d’Emmanuel Lévinas à la Sorbonne et signe un mémoire de philosophie sur la notion d’ascèse dans la mystique chrétienne puis une thèse de doctorat sur le visage humain en 1977.
Dès le début de sa carrière de philosophe comme de romancière, la spiritualité tient une place primordiale dans son oeuvre. Ainsi Sylvie Germain s’est non seulement inspirée de la Bible pour certains de ses romans, mais la Bible lui a soufflé l’envie même d’écrire : « C’est ainsi que le désir d’écrire un roman m’est venu pour la première fois (…), par le biais d’une image biblique qui depuis longtemps ressassait sourdement en moi sa « plainte », son soupir, son chuchotement. Il s’agit de l’une des scènes essentielles du Livre de la Genèse, celle de la lutte de Jacob au gué du Yabboq (…) – scène emblématique de la lutte qui incombe à tout être humain de livrer pour accéder à soi-même et, d’un même élan, d’une seule étreinte, à plus et autre que soi. » (Bibliocosmos, article de S. Germain publié dans Le Magazine littéraire, décembre 2005). Ainsi naquirent Le Livre des nuits (1985), et sa suite Nuit d’ambre (1987), quête initiatique et spirituelle menée à travers l’évocation de cinq générations confrontées à la violence du siècle.
Suivront Opéra muet (1989), Jour de colère (1989, Prix Fémina) et L’enfant méduse (1991). Ces romans, impressionnants de force et de cohérence, sont traversés par une question centrale : l’énigme du mal, qu’il s’agisse des horreurs des deux guerres mondiales et de la guerre d’Algérie dans Le Livre des nuits ou des crimes commis sur des enfants à travers L’enfant méduse. « Chez elle, imaginaire et mysticisme se rejoignent constamment. D’où cet étrange univers, mi-concret, misacré, dans lequel la dimension métaphysique côtoie le lyrisme le plus sensuel tandis que les emprunts à la Bible sont habilement transposés dans le monde d’aujourd’hui. » (C. Vantroys, Lire, juillet 1999)
Entre 1986 et 1993, Sylvie Germain s’installe à Prague. De ce séjour dans la capitale de la Bohême naîtront plusieurs livres : La pleurante des rues de Prague (1992), Immensités (1994) qui explore la souffrance des dissidents de Prague mais qui est aussi un hommage et un adieu à une ville où elle ne reviendra pas, Eclats de sel (1996) qui mêle mysticisme et légende et un portrait du poète Bohuslav Reynek (1998).
En 1998 paraît Tobie des marais, histoire d’une famille polonaise frappée par des décennies de malédiction, conte ou roman inspiré et rythmé par le biblique Livre de Tobie et, en 2002, Chanson des mal-aimants, itinéraire d’une enfant trouvée, albinos, ballottée de foyers en famille d’accueil, de chambres misérables en hôtels miteux. Ces deux récits disent la misère et le mal qui habitent l’univers mais, à chaque fois, une illumination donne sens aux souffrances et aux humiliations : « Le sourire de la grâce, beau à en pleurer de gratitude. » (Chanson des mal-aimants)
En marge de ses romans, Sylvie Germain signe divers essais : Echos du silence (1996) où elle interroge le silence de Dieu aux questions égarées de Job, Céphalophores (1997), où elle évoque les grandes figures de décapités de l’histoire, de la littérature ou du martyrologe chrétien, Etty Hillesum (1999, Prix des Ecrivains croyants), ouvrage sur une jeune mystique juive hollandaise morte à Auschwitz et un essai de vie spirituelle sur le mystère de l’existence de Dieu, Mourir un peu (2000).
Au delà d’une apparente diversité des genres, la romancière, conteuse ou essayiste crée un univers d’une grande cohérence où l’exode, le souvenir de la Shoah, la souffrance de l’homme et le silence de Dieu constituent son terreau de prédilection. Mais, pour Sylvie Germain, il s’agit d’un « Dieu pauvre », d’ «un Dieu qui s’est démis de tous ses pouvoirs. Et qui fait écho à ce que l’on appelle le çimçum dans la mystique juive, cette idée de la rétractation de la divinité pour laisser place au monde. » (propos recueillis par F. Pascaud et M. Abescat pour Télérama, 28 septembre 2005)
Avec Personnages (2004), Sylvie Germain s’interroge sur les fondements mêmes de l’écriture romanesque, de l’inspiration, née à la fois en soi et en dehors de soi. Entre réel et onirisme, les personnages de Sylvie Germain sont « des dormeurs clandestins, nourris de nos rêves et de nos pensées, eux-mêmes pétris dans le limon des mythes et des fables, dans l’épaisse rumeur du temps qui brasse les clameurs de l’Histoire et une myriade de voix singulières, plus ou moins confuses. » (Personnages).
Avec Magnus (2005, Prix Goncourt des Lycéens) Sylvie Germain signe un roman « énigmatique comme l’écho, ou comme les images inversées d’un miroir à deux faces, fuyant et volatile comme les confins de la mémoire. » (A. Paoli, lemonde.fr). Magnus est un petit Allemand qui a pris le nom de son inséparable ours en peluche. Né au début de la seconde guerre mondiale, il admire son père, médecin, jusqu’au jour où il découvre que ce père adoré est en réalité bourreau dans les camps de la mort, puis qu'il n'est pas son vrai père. Magnus qui n'a connu que le mensonge tente de se construire, de recoller les morceaux. On le suit, dans cette quête identitaire, dans cette quête de la mémoire qui durera toute sa vie. « Roman de formation, Magnus est une superbe partition, savamment orchestrée autour de « Fragments » numérotés. Eux-mêmes encadrés de « Nodules »,   d’ «Echos », de « Résonances », de « Séquences »… qui sont autant de facettes de ce récit-miroir. (…)
L’ensemble de cette architecture est construit sur une double tension qui se joue d’un volet à l’autre de la mémoire. Des efforts entrepris pour en reconstituer des pans entiers disparus et tenter d’en conjurer les béances obsédantes. Puis, les efforts inverses, qui consistent à vouloir tout oublier, tout effacer. Jusqu’à l’existence même. » (A. Paoli, id)