Biographie

Carole MARTINEZ

Oeuvre(s)

" Le coeur cousu "

Roman

Editions Gallimard

« Écoutez, mes sœurs ! Écoutez cette rumeur qui emplit la nuit ! Écoutez... le bruit des mères ! Des choses sacrées se murmurent dans l'ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d'épices, magie et recette se côtoient. Les douleurs muettes de nos mères leur ont bâillonné le cœur. Leurs plaintes sont passées dans les soupes : larmes de lait, de sang, larmes épicées, saveurs salées, sucrées. Onctueuses larmes au palais des hommes ! »
 
Frasquita Carasco a dans son village du sud de l'Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu'elle coud, aux objets qu'elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu'elles faneront sous le regard jaloux des villageoises ; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d'un papillon qu'il s'envolera par la fenêtre ; le cœur de soie qu'elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement... Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus – ou accablés – de dons surnaturels...
 
Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses ou cruelles. Le merveilleux ici n'est jamais forcé : il s'inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie. Quatrième de couverture Trois pages et on a compris : l'affaire est sérieuse.
 
C'est du premier roman comme on en lit peu, avec une écriture puissante et un lyrisme frappant. L'auteur, sans doute proche du « réalisme magique », puise dans le registre du merveilleux et de la superstition pour ajouter de la force à chaque personnage, fût-il secondaire. Si bien qu'on pourrait découper des histoires dans l'histoire, notamment autour de la figure de l'ogre - spectaculaire. Pleinement absorbé par le destin de Frasquita et des siens, le lecteur songe à Camus : il faut bien du désespoir de vivre pour aimer la vie. Ce « Cœur cousu », qui ne faiblit pas au cours des 400 pages, est simplement grandiose. Anne Crignon, Le Nouvel Observateur - 2215 - 19/04/2007