
" SE LE NUVOLE "
Pour orchestre
Publication : Suvini Zerboni
SÉLECTION 2024
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2024
...notes générales...
Que faire si un mot ou une image ne laisse aucun répit ?
C'est arrivé pour moi avec les nuages, en 2020, lorsqu'ils guidaient mon cycle de miniatures (toujours en cours) pour piano et résonateur intitulé Nuvolette.
La matière de la première Nuvoletta circule, transformée, dans cette ?uvre pour orchestre. Un processus suspendu, presque harnaché sur lui-même, dans quatre salles hypothétiques dans lesquelles le corps sonore semble précipiter, s'évaporer, saturer et redevenir éphémère, en apesanteur comme la miniature originale du piano.
La pièce entière, dans laquelle reviennent mes vers à bois habituels (les débris, le cantilène, la précarité), repose sur le caractère presque vocal qui persiste dans les relations entre les différents instruments.
Un résidu qui veut résister.
Chaque ligne est en équilibre précaire constant avec une autre, tissant un flux continu de résonances et d’allitérations.
Une sorte de messe chorale faite d'ombres, de fonds, de dégradés qui renvoient aux éclairs d'un chant imaginaire entonné par les nuages.
...aux interprètes...
Il existe souvent des relations dynamiques dans l'équilibre, dans les territoires du ppp, minces et précaires, dans lesquels aucun instrument ne doit dominer l'autre avec l'intention de synthétiser un corps sonore compact, toujours changeant et suspendu.
Il faut prêter attention à la messa di voce et aux relations microtonales (indiquées par des altérations en dessous ou aigues) entre plusieurs paires quasi-unisoniques. Ces variations d'intonation, tantôt fixes, tantôt fluctuantes, n'ont pas une valeur « spectrale » mais plutôt une valeur « affective-timbrale ».
Toute transformation ne doit jamais être forcée et doit contenir la charge primitive du chant.
Les différents paramètres sont tracés, établis, recherchés (hauteur, dynamique, rythme, relations de toutes sortes, attaque, transformation et déclin, fonds, écarts d'intonation et autres).
Ils ne suffisent pas.
Il est nécessaire que chaque interprète enquête sur ce qu'il y a à l'intérieur de la note, en essayant de surmonter toute forme de musculature, d'évidence, de typicité.
Ces pages ne demandent pas d'athlétisme instrumental (ce que l'on entend habituellement comme de la virtuosité) mais le désir de rechercher une tension foisonnante même dans ce qui peut paraître ordinaire et connu. Tout vit dans le chant intérieur du musicien.