Biographie

Christian MASON

© Manu Théobald

Christian Mason mène une carrière prolifique avec une série de commandes, dont l'achèvement du cycle orchestral Time and Eternity pour Konzerthausorchester Berlin et Christoph Eschenbach, ainsi que The Singing Tree pour Birmingham Contemporary Music Group (avec Neue Vocalsolisten). Il a également reçu des commandes de l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège (un concerto pour flûte), de l'ensemble baroque Il Gardellino, de l'Ensemble Experimental de Fribourg, du festival de Witten et de l'Orchestre National d'Auvergne, où il sera compositeur en résidence jusqu'en juin 2023.

Ces dernières années ont vu la création d'œuvres orchestrales pour l'Orchestre Philharmonique de Vienne (dirigé par Christian Thielemann), hr-sinfonieorchester, Philharmonia Orchestra (avec Anu Komsi), Münchener Kammerorchester, Orchestre National de France (Alla Breve) ; des œuvres pour ensemble, pour Ensemble Recherche (au Festival Ultraschall de Berlin ainsi qu'un enregistrement pour 'Winter & Winter'), le projet CONNECT (London Sinfonietta, Ensemble Modern, Ensemble Remix, Ensemble Asko-Schönberg), Lucerne Festival (Ensemble intercontemporain), BBC PROMS (London Sinfonietta), et, en 2021, Donaueschingen Festival ; des œuvres de musique de chambre pour le Quatuor à cordes Arditti (Philharmonie de Paris), le Quatuor à cordes Ligeti (ainsi qu'un CD non classique), le festival "Nouveaux Horizons" au Grand Théâtre de Provence à Aix ; des œuvres solistes pour le Concours International d'Orléans (Brin d'Herbe) et Jack Adler-McKean (tuba).

D'autres projets notables ont inclus Remnants et Tripych pour Opera Erratic, et des commandes pour le théâtre Gwangju en Corée, le Tokyo Philharmonic Chorus, la Lucerne Festival Academy et Pierre Boulez, le Tanglewood Festival of Contemporary Music, Britten Sinfonia "At Lunch", Carolin Widmann et Simon Lepper (Wigmore Hall, Auditorium du Louvre) et Jean-Guihen Queyras (festival d'Aldeburgh). Ses œuvres ont également été interprétées par Midori, Mieko Kanno, Gergely Mardaras, Elgar Howarth, François-Xavier Roth, Baldur Bronnimann, James MacMillan, Pavel Kotla, Stilian Kirov, Maxime Tortelier, London Symphony Orchestra, Bamberger Symphoniker et BBC Philharmonic.

Ses œuvres sont enregistrées sur le London Sinfonietta Label, LSO Live, Col Legno, Winter & Winter et non classiques.

Lauréat en 2015 du prix Ernst von Siemens Musikstiftung Composer, Christian Mason est professeur invité de composition à l'Université de Cambridge et pour le LSO Panufnik Young Composers Project. Il a été artiste résident à Eton College, Villa Concordia, Civitella Ranieri et au SWR Experimental Studio à Fribourg. En 2012, il a reçu la bourse Mendhelssohn et a reçu un British Composer Award.

Christian Mason a obtenu un doctorat au King's College de Londres avec George Benjamin et a travaillé comme assistant de composition pour Sir Harrison Birtwistle. Il est directeur artistique fondateur de l'Ensemble Octandre et joue du Theremin.

Ses œuvres sont publiées par Breitkopf & Härtel.

Oeuvre(s)

" This present moment used to be the unimaginable future… (2019) "

Pour quatuor à cordes

Ed. Breitkopf & Härtel

SELECTION 2021

I Céleste : avec une notion du temps fluide

II Respiration : doux, lumineux, intime, comme si le temps n’existait guère

III Perdu dans la brume...

IV Résonance joyeuse : avec une sensation de transparence

 

Dédié au Quatuor Arditti

 

Chaque mouvement de ce quatuor explore un seul état, sa part d’ombre et de lumière. Chaque mouvement représente, pour ainsi dire, un moment. Et ces moments pourraient durer plus ou moins longtemps sans compromettre leur nature fondamentale. Les procédés peuvent être étendus ou comprimés, répétés ou inversés, mais les notions centrales (sont-ce des notions, ou bien simplement des expériences ?) restent ce qu’elles sont. Pourtant, la suite précise des mouvements est extrêmement importante. Lorsqu’on les écoute ensemble, ils s’articulent autour d’une sorte de récit linéaire, peut-être même d’une métaphore de voyage, mais circulaire, dans lequel l’arrivée, pourrait, qui sait, se révéler être un nouveau départ. Une situation cède la place à une autre et les relations évoluent au sein du quatuor. Cependant, finalement, la pulsation créative derrière la pièce a une inclination pour les états d’unité.

Qu’une telle unité soit ou non exprimée au travers des textures (parfois l’unisson littéral se propage, mais pas toujours), on ressent de manière générale la sensation que même les aspects apparemment très différents sont liés à la condition fondamentale de la concorde : une limite consciente de la structure tonale des émanations spectrales des notes fondamentales mi bémol et do. On l’entend distinctement en ouverture, dans l’alternance perpétuelle entre ces deux notes dans le registre grave du violoncelle. Plus tard, ces deux spectres se rejoignent en un « mode double spectrale » à micro-intervalles (dérivé des 24 premiers partiels des do et mi bémol fondamentaux) qui définit l’inflexion subtile de la mélodie du deuxième mouvement, ainsi que les gammes ascendantes, jamais tout à fait chromatiques, du troisième mouvement. Pour le moment, cela semble être une source intarissable de potentiel mélodique, que l’on aurait tout juste aperçu...

Mais pourquoi donc cette insistance sur le mi bémol ? Probablement en raison d’une anecdote historique. Karl Hold (un membre du Quatuor Schuppanzigh) aurait dit à Beethoven : « Nous avons joué votre Quatuor en mi bémol, op. 127 en son honneur [“son” désignant Weber] ; il a trouvé l’adagio trop long, mais je lui ai répondu : Beethoven lui aussi a des émotions et une imagination plus longues que toute personne vivante ou morte. Depuis lors, même Linke (un autre membre du quatuor) ne peut plus le supporter : nous ne pouvons lui pardonner ses propos. »

Lorsque j’ai écouté de nouveau l’op. 127 avec cette remarque à l’esprit, j’ai été étonné par l’ouverture : le déploiement d’un accord de septième en mi bémol sur plusieurs mesures. Chaque fois que je l’entends, je me rends compte que j’aurais aimé que Beethoven le fasse durer un peu plus longtemps, sans résolution ni progression, juste dans la jouissance de la sonorité. Et peut-être (pourquoi pas ?) accorder le septième d’espèce naturellement. Et qu’obtiendrions-nous en faisant durer ce moment pendant toute une pièce ? Qu’en penserait Weber ? Finalement, je n’ai pas été aussi extrême dans les limites que je me suis imposées et d’autres préoccupations ont pris le pas, mais c’est à partir de ces considérations que le procédé de composition a commencé...

Pour terminer, concernant le titre : il provient d’un ouvrage de Stewart Brand intitulé The Clock of the Long Now, publié au tournant du nouveau millénaire. Ce livre parle de la création d’une horloge de dix mille ans qui incarne l’aspiration à penser en termes de durées plus longues que celles dont nous avons l’habitude. Si la musique de Beethoven incarnait une émotion et une imagination « plus longue » que ce qu’étaient en mesure d’apprécier certains de ses contemporains, quelle est notre relation actuelle au temps ? Plus longue ou plus courte ? Cela dépend sans doute des personnes à qui on le demanderait. Elle est probablement plus intense dans les deux directions : la capacité de concentration diminue peut-être dans notre monde numérique, mais inversement, nous avons une conscience des passés lointains et des futurs potentiels qui aurait été inconcevable au temps de Beethoven. En tout état de cause, il est intéressant de réfléchir à la façon dont les conditions, les hypothèses et les attentes sociétales (conscientes ou inconscientes) influencent le temps de l’art, pour les spectateurs comme pour les créateurs.

Que se passe-t-il si nous n’avons plus le temps ?