
" Heart Chamber (2019) "
Opéra
Editions Schott
SÉLECTION 2020
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2021
An inquiry about love
Composition and text : Chaya Czernowin
Director : Claus Guth
Stage : Kristian Schmidt
Dramaturgy : Yvonne Gebauer / Dorothea Hartmann / Christoph Seuferle
> Création le 15 novembre 2019, au Deutsche Oper Berlin, Germany.
Patrizia Ciofi, soprano / Dietrich Henschel, baritone / Noa Frenkel, contralto
Terry Wey, countertenor / Frauke Aulbert, vocal artist
Ensemble Nikel
(Patrick Stadler, saxophones / Yaron Deutsch, electric and amplified acoustic guitar / Antoine Françoise, keyboards and piano / Brian Archinal, percussion) plus Uli Fussenegger, double bass
Choir : 16 voices
Orchestra : Deutsche Oper Berlin, dir. Johannes Kalitzke
Electronics : SWR Experimentalstudio Freiburg with Joachim Haas, Carlo Laurenzi and Lukas Nowok
Voici un opéra romantique du vingt et unième siècle. Il est conduit par des questions qui n’auraient pas pu être posées sérieusement auparavant. Est-il inévitable que deux personnes soient reliées par un lien physique, émotionnel, social et familial ? Souhaitons-nous être seuls, ou voulons-nous vivre au sein d’un couple ou d’une famille ? Doit-on placer l’amour au-dessus de tout ? Dans la mesure où Heart Chamber raconte une histoire, ou décrit un ensemble de scènes, cet opéra nous implique esthétiquement, psychologiquement et physiquement, en tant que spectateurs. Nous sommes emportés, aussi puissamment que l’œuvre le permet, dans la même aventure vers l’inconnu que les amants eux-mêmes.
L’opéra suit un motif unique, écho de la présentation de l’amour par Chaya Czernowin, qui n’est pas déterminé par les contraintes sociales ou la narration conventionnelle, mais par la réalité des évolutions physiques et psychologiques. Au contraire de HIDDEN ou Infinite Now, Heart Chamber détourne son attention des moments figés d’une profondeur presque insondable pour se tourner vers un mouvement en avant continu : c’est un organisme en perpétuelle évolution. À chaque pas le long du chemin de l’opéra, un ajout en change le cap et en altère la fin. Suivre ce chemin revient à suivre du doigt un labyrinthe, mais à l’envers. Tandis que les éléments s’associent, ils s’ouvrent, ils gagnent quelque chose, perdent autre chose et avancent. L’aboutissement de notre chemin n’est pas prédit par notre point de départ. »
Tim Rutherford-Johnson (Extrait des notes de programme du Deutsche Oper)
Heart Chamber a seulement deux personnages et une intrigue très brève : un enchaînement de situations, de rêves, de moments charnières connectés où des perspectives s’ouvrent ou se ferment, tandis que le paysage interne de l’esprit des amants est propulsé vers des secousses tectoniques.
Le texte est principalement écrit comme une partition dans laquelle les voix s’entremêlent et parlent presque en même temps. Les dialogues entre l’homme et la femme sont interrompus par des rêves, véritables monologues qui projettent une ambivalence et des conflits profonds au fur et à mesure que les amants comprennent les exigences des conventions sociales de l’amour.
Voici le troisième rêve, fait par la femme :
Ma salle de bain est longue et infinie. Elle est blanche, mais de la mousse commence à apparaître sur les carreaux. Je ne la remarque pas immédiatement, mais elle pousse rapidement. Je la vois à présent. J’essaie de l’arracher. Je la griffe avec acharnement à l’aide d’une brosse, d’un couteau, de mes ongles, de mes dents. Les feuilles sont si petites qu’elles m’échappent. Elle sort à présent de mes ongles, s’étend sur mes mains, mon ventre, elle entoure ma poitrine, ma gorge, mon menton, ma bouche, mon nez, mes yeux, je ne vois plus rien, je vois rien, je n’arrive plus à bouger, je peux plus bouger, je ne peux plus respirer, je ne peux plus respirer, je ne peux plus respirer, je ne peux plus respirer. (…)
Heart Chamber constitue également une tentative de créer une expérience véritablement multisensorielle, une expérience de la musique dans sa texture sensorielle, par laquelle la musique devient une odeur, un toucher, une plaie ouverte, une vulnérabilité extrême, une joie pure ou une euphorie. Les transitions et glissements entre ces états ne sont ni maîtrisés, ni prévisibles.
Chaque protagoniste est lié à un second chanteur (une voix intérieure) qui révèle son subconscient profond. La voix intérieure de la soprano est chantée par un contralto et la voix intérieure du baryton est chantée par un contre-ténor. Les voix intérieures et extérieures ne sont pas toujours en accord.
Du point de vue musical, Heart Chamber est essentiellement centrée sur la voix, son utilisation ainsi que l’aptitude à communiquer par son biais. La voix des chanteurs est amplifiée et enregistrée d’avance afin que, lorsqu’ils chantent une phrase, nous puissions l’entendre entonnée légèrement différemment en provenance d’un haut-parleur qui joue la phrase enregistrée par intermittence, par le biais de différents microphones, chacun mettant en lumière les différentes nuances d’une même voix et d’une même ligne de chant.