Biographie

Martin SUCKLING

Après avoir passé son adolescence à jouer à l'Orchestre National des Jeunes de Grande-Bretagne et dans des groupes de ceilidh en Écosse, Suckling étudie la musique à Clare College Cambridge et au King’s College de Londres. Il reçoit une bourse Paul Mellon de l’Université de Yale de 2003 à 2005, entreprend un doctorat à la Royal Academy of Music, puis devient maître de conférences en musique au Somerville College à Oxford. Parmi ses professeurs figurent George Benjamin, Robin Holloway, Paul Patterson, Martin Bresnick, Ezra Laderman et Simon Bainbridge.

Il est en résidence à la Royal Shakespeare Company, au Festival d'Aldeburgh, à Aspen et à l'Ircam, et remporte de nombreux prix, dont le Prix de composition de la Royal Philharmonic Society 2008 et le Prix Philip Leverhulme. Il est également maître de conférences en composition à l'Université de York.

Ses oeuvres sont interprétées par de prestigieux orchestres et ensembles, notamment le London Symphony Orchestra, le Scottish Ensemble, le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin et le London Contemporary Orchestra ; Dans le cadre du Festival de Cheltenham, à Ultraschall (Berlin) et aux Journées mondiales de la musique 2007 de l'ISCM à Hong Kong. En 2011, Candlebird, acclamée par la critique pour son baryton et son ensemble, sur des poèmes de Don Paterson, a été créée par Leigh Melrose et le London Sinfonietta.

De 2013 à 2018, Martin Suckling est compositeur associé du Scottish Chamber Orchestra, un partenariat qui a donné lieu à Six Speechless Songs (créée par Robin Ticciati puis reprise par Oliver Knussen), un concerto pour le pianiste Tom Poster et Meditation (d'après Donne) pour orchestra de chambre et électronique. Parmi les autres œuvres orchestrales figurent Release, créée au festival Tectonics 2013 par Ilan Volkov et le BBC Scottish Symphony Orchestra, et The White Road, un concerto pour flûte pour Katherine Bryan et le Royal Scottish National Orchestra, créé en 2017.

Martin Suckling entretient également des relations étroites avec l'orchestre Aurora. Une récente tournée de Candlebird, dirigée par Nicholas Collon, a été suivie par deux commandes: Psaume pour ensembles de harpes et spatialisation, créée à la Royal Academy of Arts dans le cadre du projet "blanc" d'Edmund de Waal en 2015, et Electrical Absence pour le Quintette à cordes Emily, le résultat d'une collaboration avec Poet in the City et Frances Leviston créée en 2018. Parmi les autres œuvres de chambre figurent Nocturne, un duo pour violon et violoncelle (2013) pour Pekka Kuusisto et Peter Gregson, et un trio de clarinettes Visiones (d'après Goya), créé à l'Aldeburgh Festival de Mark Simpson, Jean-Guihen Queyras et Tamara Stefanovich en 2015.

La dernière œuvre orchestrale de Martin Suckling, This Departing Landscape, a été créée par le BBC Philharmonic et Ryan Wigglesworth en mars 2019. Parmi ses autres projets, citons un cycle de chansons – sur des poèmes de Michael Donaghy - pour Oxford Lieder en octobre 2019.

Oeuvre(s)

" The White Road (After Edmund de Waal) "

Pour orchestre et flûte solo

SÉLECTION 2019

Je souhaitais composer un concerto pour Katherine depuis une vingtaine d’années, autrement dit, presque depuis que nous nous sommes rencontrés. Le public de l’Orchestre National Royal d’Écosse reconnaîtra son timbre éclatant, sa virtuosité saisissante et son charisme magnétique, des qualités dont elle faisait déjà montre lorsque nous étions adolescents. C’est également pour ces raisons que j’ai eu tout le temps de réfléchir à cette pièce. Cela dit, il est tout à fait différent de laisser courir son imagination entre amis d’enfance, et de composer une création digne de deux décennies de rêves éveillés. Lorsque l’occasion se présente de les concrétiser, la tâche n’est pas mince.

Je savais que je souhaitais un solo de flûte renforcé par un ensemble de cordes harmoniques, un orchestre de flûtes virtuelles, qui jouerait des harmonies microtonales étincelantes et vibrantes. Je voulais également me concentrer sur les mesures et écrire des mélodies qui permettent tout au long de la pièce à Katherine de s’exprimer pleinement par son chant. Cette création s’est d’abord construite comme une série d’alternances entre deux types de sons : la flûte joue un fragment mélodique, puis l’orchestre lui répond avec des accords microtonaux de plus en plus foisonnants.

Ces répétitions m’ont fait penser aux œuvres céramiques d’Edmund de Waal, dont les installations de récipients en porcelaine sont d’une puissance incroyable en dépit des moyens épurés : il s’agit de séries d’ensembles de pots, généralement vernis d’un revêtement unique, devant un fond uni. Ces installations ont un caractère presque rythmique et semblent suggérer des inspirations entrecoupées d’expirations. Lors de l’écriture du concerto pour flûte, ces aspects ont eu à mon égard un fort pouvoir évocateur.

L’œuvre de de Waal est si précise qu’elle en frôle l’obsession ; un thème qu’il aborde d’ailleurs dans son ouvrage, The White Road, publié en 2015 et qui constitue tout à la fois des mémoires, un journal de voyage et une histoire de la porcelaine. Ce concerto pour flûte n’est ni une création sur la porcelaine ni une évocation musicale de la couleur blanche. Toutefois, il est possible qu’elle parle de l’obsession, et elle reflète sans aucun doute mon admiration pour le jeu de Katherine et le travail de de Waal. Je suis aussi attiré par l’idée que la musique nous entraîne le long d’un chemin. C’est ainsi que les fragments musicaux répétés du solo de flûte prennent le rôle du joueur de flûte de Hamelin.

Cette « White Road », cette route blanche, nous conduit au travers de sept grands paysages. Dans le premier, les mélodies de la flûte et les cordes harmoniques sont dans une relation antiphonique. Au cours du deuxième, tout en quiétude, le flûtiste et un ensemble de huit cordes solistes échangent des phrases mélodiques, appuyés par les Temple Blocks. Le troisième apparaît comme une reformulation passionnée, presque violente de cette musique, alors que le solo de flûte alterne avec les bois pleins de fureur, accompagnés des percussions. Ensuite, après une respiration, la flûte danse au rythme des pulsations du piqué des cuivres, où chaque phrase se termine par un accord microtonal qui évoque la première partie. Suit un sextuor de violoncelles d’un lyrisme puissant, caressé par les vagues d’harmoniques microtonales, ponctuées par des cadences de flûte qui lancent chaque phrase. Finalement, une longue mélodie à la flûte, comme une berceuse, s’envole au-dessus des vents et cordes, dont les mouvements sont continus. Arrive enfin un court dénouement virtuose, qui voit les accords rauques des cuivres projeter la flûte dans la stratosphère.

Martin Suckling