
" Move 03 (2016) "
Pour grand orchestre
Editions Bärenreiter
SÉLECTION 2020
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2021
> Commande du Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo
> Création le 2 avril 2017, à Monaco (Auditorium Rainier III) dans le cadre du Festival du Printemps des Arts de Monte-Carlo, par l’Orchestre Philharmonique de Nice sous la direction de Pierre-André Valade
Comme le laisse supposer son titre, Move 03 s’inscrit dans une série de pièces inspirées par l’idée du mouvement. Quoique métaphorique, cette notion prend dans l’œuvre de Miroslav Srnka une résonance particulière, qu’éclairait déjà le quatuor Engrams (2011) avec sa référence aux structures fluides des nuages d’étourneaux.
La sensation de mouvement est de nouveau liée dans Move 03 à l’interaction, foisonnante mais parfaitement coordonnée, de multiples flux. Au gré de leurs récurrences et malgré leurs transformations et recombinaisons, certains éléments saillants soumettent la mémoire de l’auditeur à un jeu de piste.
Miroslav Srnka élabore volontiers des champs harmoniques qu’il fait interférer comme s’il mélangeait des teintes. Si l’on perçoit çà et là une furtive sensation de diatonisme, de chromatisme, de pentatonisme ou de superposition de quartes, il s’avère pourtant que ces teintes ne sont jamais pures, mais volontairement troublées par des corps étrangers. L’une des caractéristiques les plus remarquables de cette pièce est justement son sfumato harmonique. Les textures se caractérisent majoritairement par la multiplicité des strates polyrythmiques, éventuellement associée à une progression diagonale des voix qui fait marcher en crabe les enchaînements harmoniques, tandis que les blocs d’accords, sculptés et galbés, se laissent appréhender par leur enveloppe.
Le grand orchestre avec bois et cuivres par trois ou quatre, plus six cors qui véhiculent leur propre matériau, se voit doté de modes de jeu qui favorisent une certaine granulosité – l’un des plus originaux étant l’utilisation avec le piano, le marimba, le vibra et les steel drums d’émulsionneurs à lait électriques –, une fibrosité principalement imputable à l’extrême division des cordes, et plus généralement l’estompage des attaques.
La grande ductilité de la pâte sonore est due aussi à de nombreux changements de mesure, qui agissent en outre sur le contenu harmonique. On touche là une qualité remarquable de la musique de Srnka : par la mise en relation complexe d’éléments sinon simples, du moins identifiables, le compositeur crée une complexité perceptible qui, loin de saturer – et donc neutraliser – l’écoute, la stimule.
Pierre Rigaudière