Biographie

Admir SHKURTAJ

© Félix Dol Maillot - 2017

Il commence en 1984 ses études musicales à l'école d'art musical "Jordan Misja" à Tirana, spécialisé en accordéon et est diplômé en 1988.

En 1989, il entre au Conservatoire de Tirana pour y suivre des cours de composition puis en 1991 au conservatoire "Tito Schipa " de Lecce, où il obtient son dîplome en 1999. Une formation complémentaire avec Sandro Gorli 1994-1996 (Ostuni) et Alessandro Solbiati 1999-2002 (Milan) sera importante pour sa propre formation de composition.

Il est diplômé de musique électronique en 2009 et exerce son activité en tant que compositeur, instrumentiste, improvisateur.

Son catalogue se compose d’oeuvres pour ensembles de chambre et orchestre, théâtre et film.

Oeuvre(s)

" Katër I Radës Il naufragio "

Opéra de chambre

Schott

SÉLECTION 2016

L'opéra de chambre en albanais et en italien raconte l'histoire du naufrage d'un bateau rempli d'hommes, de femmes et d'enfants qui a coulé dans le canal d'Otrante en mars 1997 ; l'opéra est constitué d'eau, de sel et de rouille. Les éléments archaïques sont déposés sur la texture des instruments comme la rouille sur le métal du bateau : les chants polyphoniques (certains disent qu'ils datent de l'époque d'Homère), l'albanais (une langue illylienne), le son du cupa-cupa. L'électronique revisite les enregistrements du son de l'eau ainsi que du métal et résonne dans tout l'opéra, comme la polyphonie typique du sud de l'Albanie, les chants anciens à trois ou quatre voix où une voix chante le chant et la deuxième et la troisième le contre-chantent avec les différentes voix dans un bourdon. La partie instrumentale utilise à plusieurs reprises des bruits, a sa propre autonomie et utilise une écriture gestuelle qui suit sa propre narration en parallèle de celle des voix. 

Le rideau s'ouvre sur l'Albanie en 1997, en pleine guerre civile : tirs, cris, peur, désordre, chaos, anarchie dans les rues d'une nation désorientée ; les gens tentent de fuir à n'importe quel prix ; dans le port de Vlora un bateau est prêt à partir pour l'Italie. La musique narre ces trois moments : la guerre civile, la fuite vers le port, le moment de l'embarquement dans le Katër. On utilise ici le dialecte du sud-ouest, celui de Vlora, également le lieu d'origine de la plupart des victimes. Les mots avec l'accent caractéristique de ce dialecte sont utilisés comme des sons, ils constituent l'armature de la texture de la mélodie ; les quatre voix les répètent dans une série chaotique d'appels, d'exhortations, qui s'entremêlent follement. 

Le voyage commence. La narration se relâche, c'est un moment de calme : ils parlent de croiser Pyrrhus, roi d'Epire ; le rêve italien issu de la télévision, l'amour de la musique et du jazz en particulier. Dans ces moments de solo, il est fait référence aux techniques vocales, filtrées et transformées, utilisées dans les chansons albanaises polyphoniques, aux formules rythmiques tirées des battements irréguliers et au matériel harmonique dérivé de la tradition. L'inconfort gênant et claustrophobe de tous les voyageurs sur le bateau émerge du tour musical de Blerina. Le chœur de femmes émerge alors du Katër pour implorer les soldats italiens : « Nous n'avons pas d'armes avec nous, mais seulement des enfants, silencieux et froids. » La tension du chœur s'intensifie et prépare le moment de la collision et du naufrage du bateau. Le récit du seul survivant, Ermal, exprime le chagrin de la tragédie, la disparition du « rêve italien ». 

Les voix du chœur des naufragés évoquent le mouvement des corps sans vie dans l'eau et annoncent la chanson finale interprétée par le chœur polyphonique de Lapardha. Quatre chanteurs sont sur scène ; tout d'abord la mère, Zonja (soprano léger) et sa fille, Blerina (voix folk), la deuxième mère (mezzo soprano) et son fils, Ermal (voix expérimentale) ; trois acteurs : une mère et sa jeune fille et le marin de la marine italienne ; le chœur polyphonique (cinq voix) « Violinat e Lapardhase » ; six instrumentalistes : percussion, piano, violoncelle, clarinette basse, trompette et électronique, accordéon et boîte avec oscillateurs analogiques.

Admir Shkurtaj