
" Limina (2019) "
Pour grand orchestre
Ed. Chester Music
SELECTION 2021
- Sélectionné pour : Le Coup de Coeur des Jeunes Mélomanes 2022
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2021
Écrit pour un grand orchestre (trois vents, trois percussionnistes, piano, harpe et cordes) Limina se compose d’un seul mouvement d’environ quinze minutes. Son énergie, ses nuances et son activité à plusieurs strates nécessitent une grande virtuosité et une forte cohésion de la part des musiciens. Cependant, Grime connaissait déjà l’excellence des précédentes prestations du Tanglewood Music Center Orchestra lorsqu’elle a écrit Limina et elle savait qu’elle pouvait demander beaucoup à l’orchestre.
« Limina » signifie « seuils », l’endroit où un état en devient un autre. Dans la pièce de Grime, les seuils séparent les notions musicales qui représentent des états expressifs. L’idée du passage entre les états lui a été suggérée par un chapitre de Palais de glace, roman de l’écrivain norvégien Tarjei Vesaas paru en 1963. Ce chapitre décrit les émotions d’une jeune fille tandis qu’elle se déplace entre les salles d’une cascade gelée. Bien que certaines pièces antérieures de Grime aient des liens avec des notions imaginaires et littéraires, le lien entre Limina et le récit de Vesaas était étrangement explicite et direct. Les différentes salles et les émotions correspondantes de la jeune fille ont décidé de la structure en épisodes de la pièce de Grime. Malgré cette particularité, une fois que Grime s’est complètement impliquée dans la pièce, elle s’est concentrée sur les aspects purement musicaux et liés à la composition. Bien que certains changements d’états musicaux soient très nets, ils s’entremêlent et s’imbriquent souvent les uns avec les autres. Le spectateur reste alors en équilibre, sur le seuil, pour ainsi dire. Le chevauchement de notions plus larges et de petites variations rythmiques entre des parties semblables « brouillent » l’impact de tout état expressif, à l’image des sentiments de peur, de joie et de confusion de la jeune fille qui se fondent. La musique met également en contraste la fragilité physique de la jeune fille avec la force et la froideur impassibles de la glace.
L’ouverture de Limina, annotée « Brillant, glacé », adopte délibérément un caractère froid, quelque peu déstabilisant. Ce passage se développe en vagues de plus en plus complexes qui envahissent l’orchestre tout entier : des cordes chatoyantes suspendues avec le vibraphone, une silhouette étincelante qui s’élève d’entre les bois aigus, une chorale morcelée parmi les cuivres. Les arpèges, qui forment une silhouette, joués par les trois violons solos sont le signe d’un état onirique continuel. L’expansion des cordes dans le registre grave fait apparaître un élément rempli de chaleur et d’humanité ; les différentes strates sont de plus en plus nettes, dotées d’un battement défini et de lignes mélodiques distinctes. La densité et l’intensité, de plus en plus fortes, mènent à un long accord marquant le début de l’épisode final, annoté « Extatique et tendre ». La chorale des vents, auparavant dissimulée, avance au premier plan, mais elle reste interrompue par les textures à couper le souffle des cordes, comme si elle était réticente à accepter entièrement le fardeau de la conclusion.
Programme note © 2019 Robert Kirzinger