Biographie

Toshio HOSOKAWA

Après ses études de piano et composition à Tokyo, puis Berlin et Fribourg, il participe en 1980 aux Classes Internationales d'été de Musique Nouvelle à Darmstadt. Dès 1990 il est invité régulièrement au festival en tant que professeur.
De 1989 à 1998, Hosokawa est directeur artistique du festival “Akiyoshidai International Contemporary Music Seminar and Festival“ à Yamagushi dont il est cofondateur. Depuis 2001, il est aussi directeur artistique du “Japanese Takefu International Music Festival“ à Fukuj. En 2004, il est nommé professeur invité permanent du Tokyo College of Music.
Les compositions de Hosokawa comprennent des œuvres orchestrales, concertos pour soliste, œuvres de musique de chambre, musiques de film ainsi que musiques pour des instruments japonais traditionnels. Ses compositions ont été fortement influencées par la musique occidentale – de Schubert à Webern – et par la culture et musique traditionnelles japonaises. Hosokawa considère le processus de composition comme instinctivement associé aux concepts de Zen et son interprétation symbolique de la nature.
Hosokawa a reçu beaucoup de prix et d’honneurs (le Premier Prix du Concours de Composition pour le centenaire de l'Orchestre Philharmonique de Berlin (1982), le Prix de musique Arion (1984), le Prix de musique de Kyoto (1988) et en 1998 le Prix de musique du Rheingau). En 2001, il est nommé membre de l'Akademie der Künste de Berlin. En 2006/2007 et 2008/09, il est invité pour un séjour de recherche au Wissenschaftskolleg à Berlin.
Il est compositeur en résidence à la Biennale de Venise (1995, 2001), puis auprès de l’Orchestre Symphonique de Tokyo (1998, 2007), au Festival international de Lucerne (2000), à musica viva à Munich (2001) et bien d’autres. Il a été directeur artistique du programme international Suntory Hall pour la composition musicale de 2012 à 2015.
 

Oeuvre(s)

" Regentanz (2018) "

Pour sextuor de percussions

Ed. Schott Music

SELECTION 2021

Cette pièce est la première que je compose pour l’ensemble des Percussions de Strasbourg. En allemand, «Regentanz» désigne un rituel pour demander la pluie. Ces «rituels d’obtention de la pluie» qui se transmettent à divers endroits de la planète, consistent en des prières aux divinités pour que tombe la pluie quand la sécheresse persiste. Dans de nombreuses régions du monde, il se dit que «la pluie est un cadeau de Dieu. Si la pluie cesse, c’est une punition divine». Ponctué de danses et de musiques, le rituel est donné pour susciter l’intérêt des divinités, les divertir et gagner leur sympathie. Cette pièce est ma musique cérémonielle imaginaire. Les instruments de percussions décrivent différentes formes de pluie, évoquant les gouttes, le calme de la pluie, la violence des averses, le tonnerre et l’orage, …). La dernière partie s’inspire du rythme des danses rituelles des amérindiens, amenant excitation et ivresse.

Toshio Hosokawa

" Sublimation "

Pour violoncelle et orchestre

Schott Music

SÉLECTION 2018

Cette œuvre a été commandée par le Concours Musical International Reine Elisabeth pour l’œuvre obligatoire de la sélection finale de la division violoncelle.
Tous mes concertos sont composés dans l’idée que le soliste représente des humains, et que l’orchestre représente la nature et l’univers qui se propagent vers l’intérieur et l’extérieur. Le violoncelle, comme un être humain, entonne un « chant » qui est très proche de la voix humaine. Le violoncelle a été capté comme prolongation de la voix humaine. Ce « chant » utilise des intonations graduelles et des portamentos du chant des bouddhistes japonais (voix du moine). Je les qualifie de courbes calligraphiques semblables à des coups de pinceaux. Ces lignes graduelles se transforment finalement en « chant » avec des mouvements dynamiques.
L’orchestre, en tant que nature, en tant qu’arrière-plan du solo, répond au « chant », crée de la profondeur à l’arrière-plan, et répond avec cruauté comme s’il mettait le « chant » à l’épreuve. Après ces correspondances entre le solo et l’orchestre, le chant du violoncelle devient progressivement plus profond et se fond dans la sonorité de l’orchestre.
Je souhaite montrer par la musique comment un chant d’une forte conscience de soi que je désire exprimer sublime la magnifique sonorité de la nature, et le processus par lequel son égo se fond.
 

" Stilles Meer "

Opéra

Schott

SÉLECTION 2017

Mon quatrième opéra, Stilles Meer, a été commandé par Staatsoper Hamburg. Le texte original a été écrit par Oriza Hirata, puis transformé en livret par Hannah Dübgen.

J’ai sollicité d’Oriza Hirata pour modifier la mise en musique de la pièce japonaise de Nōh Sumidagawa, une tragédie à propos d’une mère qui a perdu son fils à la suite de Fukushima, la scène principale de l’histoire. La pièce de Nōh Sumidagaw a déjà été adaptée à l’opéra par Benjamin Britten dans sa parabole Curlew River. Curlew River ayant une identité proche de la Chrétienté, je voulais une histoire plus proche du Bouddhisme, qui est plus proche de la mise en musique originale. Oriza Hirata a incorporé le roman Maihime d’Ōgai Mori (un grand romancier japonais moderne) dans Sumidagawa, et a créé Stilles Meer, une histoire qui se déroule là où le tsunami avait frappé et où l’accident de la centrale nucléaire a eu lieu. Sur cette base, Hannah Dübgen, qui était également le librettiste de mon opéra Matsukaze, a écrit le livret de cet opéra.

Depuis le séisme et le tsunami en 2011 dans la région du Tōhoku, et l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima qu’ils ont provoqué, je devais réfléchir à nouveau sur la puissance de la nature et l’arrogance humaine. Ma musique est née de la profonde correspondance avec la nature. Une fois encore, j’ai pensé à la civilisation humaine qui, d’une part, respecte la nature mais qui, d’autre part, a peur de la puissance fondamentale qu’elle possède. Et j’ai réfléchi à la manière dont nous essayons de contrôler et de dominer la nature plutôt que la détruire. Mon œuvre orchestrale Circulating Ocean (2005) est une expression musicale de la vie qui s’écoule : l’eau provient de l’océan, devient du gaz, se transforme en nuages, en pluies et en tempêtes, qui retombent sur terre, et retournent à l’océan. L’eau est une métaphore de la vie humaine : la vie provient de l’océan et retourne à l’océan. Dans Stilles Meer, l’océan, la source de vie, a été contaminée par la radioactivité, et le lieu du retour est perdu à jamais (Dans cet opéra, les villageois qui feront le "Tōrō nagashi" apparaîtront. Le "Tōrō nagashi" est une cérémonie japonaise où les participants utilisent des lanternes en papier pour représentant l’âme des défunts, et pour restituer l’âme des défunts à l’océan, la source de vie.)

La protagoniste, Claudia, représente le rôle de la mère/femme folle dans la pièce de Nōh Sumidagawa. Elle n’arrive pas accepter la perte de son fils adoré. En chantant ce chant triste, et en récitant la prière bouddhiste, une nouvelle dimension pourrait s’ouvrir vers ce chagrin. Le chagrin prend une forme en le chantant, et ainsi le transforme en musique; et alors il est possible de lui donner de la profondeur et de la transparence. Je crois qu’il y a du chamanisme dans la source de la musique. Claudia est une chamane ("Miko"), au travers de son chant, elle peut se connecter à ce monde et à l’au-delà, et elle peut trouver une façon d’interagir avec les âmes des défunts.

J’aimerais dédier Stilles Meer aux victimes du séisme et du tsunami de Tōhoku.

Toshio Hosokawa

" Woven dreams "

Pour orchestre

Schott Music

SÉLECTION 2013

C R E A T I O N
28 août 2010 - Lucerne, KKL, Konzertsaal (CH) Lucerne Festival 2010 - The Cleveland
Orchestra – dir. Franz Welser-Möst.
Commanditaire : La Fondation Roche for Lucerne Festival and Carnegie Hall.


N O T I C E
Un jour, j’ai rêvé que j'étais dans le ventre de ma mère. Dans le rêve, j'ai vécu ces choses : la joie d'être dans le ventre chaud, la pression et l'obsession que je dois être né depuis longtemps, et la joie de la venue dans le monde à travers la souffrance et la douleur  du  processus  de  la  naissance.  Ce  sont  des  expériences  profondes  qui resteront à jamais gravées dans mon esprit [et que] J'ai essayé de recréer en musique. [...] Dans cette oeuvre, il y a beaucoup d'influences du langage musical "Gagaku", l'ancienne musique de cour japonaise qui est le « ventre » de ma musique.
(Toshio Hosokawa)

 

" Sternlose nacht "

Pour 2 sopranos, 2 récitants, choeur et orchestre

Schott Music

SÉLECTION 2011

CREATION

2 octobre 2010 au Testpielhaus, Baden-Baden (All.) – par le MDR Rundfunkhor, Le Mahler Chamber Orchestra, dir. Kent Nagano, soprano Sally Matthews et mezzo soprano Mihoko Fujimura.

NOTICE

Programme du concert du Mahler Chamber Orchestra (2010) :
Première Mondiale du nouveau morceau, "Sternlose Nacht", de Toshio Hosokawa, notre conseiller en musique pour le Festival International de Musique de Takefu.
La musique contemporaine a régulièrement été représentée dans la programmation de l'Orchestre de chambre Mahler, mais pour la première fois depuis sa création, il y a 13 ans, il passe commande d’une nouvelle oeuvre. Grâce au financement de la Musique Ernst von Siemens Fondation, l'orchestre choisit Toshio Hosokawa pour écrire un oratorio intitulé "Sternlose Nacht" (nuit sans étoile), mettant en musique des textes, entre autres de Georg Trakl, pour des solistes, un chœur mixte et l'orchestre. La première mondiale aura lieu le
2 octobre à Festspielhaus de Baden-Baden, pendant le Festival d'automne. Kent Nagano dirigera l'Orchestre de chambre Mahler, le soprano Sally Matthew et le mezzo-soprano Mihoko Fujimura.
"Sternlose Nacht" repose sur l'idée du cycle des saisons, tout en insérant, tissés dans la musique, des souvenirs de tragédies humaines. Deux événements tragiques de 1945 ayant fait du tort : la destruction de Dresden et le bombardement du lieu de naissance d’Hosokawa, Hiroshima passant de l’hiver au printemps, puis à l’été, etc. Une seconde représentation se fera à la Frauenkirche de Dresden, le 6 novembre. Leonard Slatkin dirigera le Dresden Philharmonie.



 

" Matsukaze "

Opéra

Schott Music

SÉLECTION 2012

CREATION

3 mai 2011 - La Monnaie, Bruxelles – Dir. : Pablo Heras-Casado.
Livret (Ger) par Hannah Dübgen, tiré du “Matsukaze” de Zeami (2010).
Commande du théâtre de La Monnaie, Bruxelles.

NOTICE

L'association du compositeur japonais Toshio Hosokawa et de la chorégraphe allemande Sasha offre un ouvrage à l'atmosphère poétique et troublante.

C’est l’une de ces tragiques histoires dont regorgent les légendes et les textes de théâtre ou d’opéra chinois et japonais. Un drame menant deux jeunes sœurs de l’amour au désespoir, puis à la mort, à l’état de fantômes, à la folie enfin.

Deux fantômes
Deux sœurs récoltant le sel au bord de l’océan : Matsukaze (Vent dans les pins) et Murasame (Pluie d’automne) s’éprennent d’un chevalier exilé dans leur région lequel leur rend leurs sentiments et leur attribue ces noms poétiques.
Mais, passés trois ans d’exil, il doit repartir pour la capitale où il meurt bientôt sans avoir pu revenir auprès des deux jeunes femmes auxquelles il a laissé en gage un poème, un manteau et son chapeau.
Apprenant sa mort, elles périssent à leur tour de douleur et sont inhumées au pied d’un pin.
Auprès de leurs noms est gravé le poème de l’être aimé. Mais leurs fantômes reviennent chaque nuit hanter ces lieux fouettés par le vent, et Matsukaze comme Murasame, dans leur douleur sans fin, croient reconnaître la silhouette de leur bien-aimé dans la ramure du pin toujours vert qui protège leur tombe.

Une pièce de théâtre Nô
De ce classique du théâtre Nô, écrit au XIVe siècle, puis réécrit au XVe, "mettant en scène la force des passions, leur capacité d’anéantissement, dans des tourments incontrôlés", le compositeur japonais, Toshio Hosokawa, sur une commande du Théâtre royal de la Monnaie, a tiré la matière d’un ouvrage lyrique dont la création mondiale vient d’avoir lieu à Bruxelles, cependant que la mise en scène en était confiée à la chorégraphe allemande Sasha Waltz.


Un rêve éveillé
Nous plongeant dans une atmosphère obscure, troublante, où il laisse entendre les mugissements de l’océan comme les plaintes du vent, Toshio Hosokawa, au cours d’une composition souvent très belle, très "boulézienne" aussi, fait entendre une longue, longue et monotone plainte qui donne le sentiment à l’auditeur d’être plongé tout éveillé dans un rêve.
Un rêve inquiétant, oppressant, mais d’une infinie poésie où les éléments de la nature se mêlent aux instruments classiques (piano, harpe) ou aux percussions qui ramènent aux sonorités de l’Empire du Soleil Levant.

Le vent dans les pins
Pour occuper un espace laissé largement ouvert par une action épurée à l’extrême et par une musique d’une parfaite austérité, tout en sachant parfois être lyrique, Sasha Waltz a déployé un savoir-faire extraordinaire déjà dévoilé en octobre dernier dans "Passion" de Pascal Dusapin, au Théâtre des Champs-Elysées.
Dans sa mise en scène très aérienne, spectaculaire parfois, impressionnante, la danse est omniprésente. Mais ce n’est pas une danse bavarde, inutile, dont la prolixité servirait à combler un vide. Elle ne commente pas l’action, la relate moins encore.
Elle "est" le vent dans les pins, la pluie de l’automne, le souffle de la mer, la tristesse ou le désespoir des deux sœurs, l’atmosphère tragique du drame.

Fluidité de l’eau
Très sensuelle, tourmentée, toute en volutes, en ploiement des bras et des jambes, marquée par des réminiscences stylistiques des années 1930, la chorégraphie fait penser aux bas-reliefs de l’époque, à ce néo-classicisme qui se mêlait alors à ce qu’on appelait l’expressionnisme.
Dessinée avec la fluidité de l’eau qui court et tourbillonne, la légèreté de l’air marin chargé d’embruns, la danse, également douloureuse comme l’âme des héroïnes, déploie ses vagues, ses méandres, son onctuosité sur la scène, se fond avec justesse et sensibilité au climat musical sans redondance aucune.
Elle courait tous les risques de n’être qu’ornementale, de combler des silences ou des plages de monotonie, alors qu’elle participe à merveille à l’étrangeté de l’atmosphère de cette légende tragique.

Cantatrices et danseuses
Aux côtés de ses nombreux danseurs (ils sont quatorze sur scène et ils sont admirables), Sasha Waltz happe les cantatrices pour les lancer à leur tour dans le mouvement chorégraphique.
Et l’une et l’autre, Barbara Hannigan et Charlotte Hellekant, sont remarquables de souplesse, de lyrisme et de métier en se fondant miraculeusement à une discipline qui n’est pas la leur, en s’insinuant dans la troupe des danseurs.
Avec elles, deux chanteurs, le baryton-basse Frode Olsen, un Norvégien,  et le baryton Kai Uwe Fahnert, un Allemand, assument les rôles plus statiques du Moine et du Pêcheur, cependant que le Vocalconsort de Berlin remplit la fonction du chœur à l’antique et que l’Orchestre de Chambre de la Monnaie est dirigé par l’Espagnol Pablo Heras-Casado.

Plénitude des formes
Des décors et des costumes d’une grande sobriété (Pia Maier-Schriever, Shiota Chiharu et Christine Birkle) ; des lumières où dominent les gris crépusculaires, les noirs nocturnes et les aurores blafardes (Martin Hauk), achèvent de donner à ce spectacle chanté en langue allemande une grande unité de ton et de le marier à merveille avec la partition.
Sasha Waltz s’est unie avec un rare bonheur au travail du compositeur qui ne peut que se féliciter d’avoir été aussi admirablement servi. Et les commanditaires du spectacle ont parfaitement compris que, pour mener à bien un tel travail, sur une partition aussi austère, et pour un drame aussi fantastique, il fallait à l’évidence recourir au talent d’une chorégraphe.
Le résultat est d’une beauté sans faille, d’une grande perfection formelle. Aussi "contemporaines" que soient la chorégraphie et la mise en scène, elles servent une réalisation qu’on pourrait qualifier de classique.
Non pas classique dans le sens académique du terme, mais classique dans le sens de l’aboutissement, de la plénitude des formes.

© Raphaël de Gubernatis - Le Nouvel Observateur Schott-music

 

" Horn Concerto Moment of blossoming "

Pour cor et orchestre

Schott Music

SÉLECTION 2012

CREATION

10 février 2011 - Berlin, Philharmonie (D) - Berliner Philharmoniker - Stefan Dohr, Cor – Dir.: Simon Rattle.
Commande du Berliner Philharmoniker, Barbican Centre London et Concertgebouw Amsterdam.

NOTICE

Cette oeuvre est une commande conjointe de l'Orchestre Philharmonique de Berlin, du Concertgebouw d'Amsterdam, et du Barbican Center de Londres. Elle est dédiée à Stefan Dohr (cor), qui joua pour la première représentation.

Jusqu'à présent j'ai composé plusieurs oeuvres sur le thème du « lotus » ou de la« floraison ». Le concerto pour piano Lotus Under the Moonlight, la musique de chambre Stunden Blumen, et Blossoming pour quatuor à cordes, etc. traitent de thèmes similaires. La fleur de lotus est une fleur mystérieuse d'Orient ; ses racines se nourrissent en profondeur sous la boue, et sa tige traverse l'eau, pour recevoir en surface la lumière du soleil dans le ciel et met en avant ses fleurs telles de belles pierres précieuses. Sans le monde chaotique de la boue, la fleur ne pourrait pas éclore vers le ciel. L’aspect physique de l'éclosion a la forme de nos mains jointes en prière. Le bourgeon fermé de la fleur de lotus suggère la forme des mains humaines pressées l’une contre l’autre dans la prière. Les gens de l'Orient comparent l'éclosion du lotus avec l'épanouissement intérieur de l'être humain. Ils ressentent dans cette floraison la puissance et le lien avec le cosmos.
Les artistes japonais ont comme thème traditionnel la connexion de  l'homme avec la nature. J'ai le sentiment qu'ils recherchent dans l'art l’ultime dissolution de l'homme dans la nature et l'extase de ne faire plus qu’un.

Dans nombre de mes autres concertos, comme dans ce celui-ci pour cor, j’imagine le solo de cor comme la «fleur» ou l’«humain», tandis que dans le fond l'orchestre représente la nature, le cosmos, le lieu où les fleurs éclosent (dans le cas présent, j'imagine un lotus et son étang). Au début, un son long et soutenu correspond à la surface de l'eau. A partir de cette surface d’eau, la fleur de lotus va rapidement commencer à se tortiller, jusqu’à d‘atteindre le fleurissement. La Nature lui renvoie différents échos. Puis rapidement, une faible note commence à retentir à la surface de l'eau comme pour en indiquer sa profondeur. En outre, le violent désir et l'accélération de floraison évoquent une petite tempête, et un conflit survient entre la fleur et la nature. Dans la profondeur du calme de la fleur se trouve une violente accélération vers l’éclosion. Finalement, l'étang retrouve son silence profond, et la fleur se réjouït en paix de son heure d’éclosion.
J’ai rangé les cuivres dans un espace, et imaginé la salle de concert comme l'étang se déployant grandement vers le ciel.
Toshio Hosokawa
© Schott-music
 

" Circulating ocean "

Pour orchestre

Né à Hiroshima en 1955, Toshio Hosokawa étudie le piano et la composition à Tokyo. En 1976, il part à Berlin étudier la composition avec Isang Yun, le piano avec Rolf Kuhnert et la théorie musicale avec Witold Szaloneck à la Hochshule der Künste à Berlin. De 1983 à 1986, il étudie à la Staatliche Hochschule für Musik de Fribourg avec Klaus Huber et Brian Ferneyhough. Toshio Hosokawa est lauréat de très nombreux prix dont, en 1980, le 1er Prix du Concours de Composition Valentino Bucchi à Rome pour son oeuvre Jo Ha Kyu pour flûte, violon, alto et violoncelle. En 1985, il reçoit le Prix de Musique Arion de Tokyo et, en 1989, le 37ème Prix Otaka pour son oeuvre Ferne Landschaft I.
De 1989 à 1998, Toshio Hosokawa a été le directeur artistique du Festival annuel « Akiyoshidai International Contemporary Music Seminar and Festival » qui fut fondé à son initiative et qui invitait aussi bien des compositeurs européens que de jeunes compositeurs japonais. Dès 1998, il est compositeur en résidence à l’Orchestre symphonique de Tokyo. Depuis 2001, il est le directeur musical du Takefu International Music Festival et depuis 2004 professeur invité au Tokyo College of Music.
A l’inverse de beaucoup de compositeurs orientaux, Hosokawa n’a pas cherché à imiter la musique occidentale ; il a su l’assimiler à sa propre tradition musicale pour se forger un style personnel à l’orée de deux cultures parfaitement intégrées. En 1995, dans un essai, il écrira : « Je cherche une musique nouvelle qui est une aventure mais pas au sens de l’assimilation. Je cherche une nouvelle forme de culture et de musique spirituelle pour le Japon, par laquelle je reste fidèle aussi bien à moi-même qu’à mon origine ».
Son catalogue compte un opéra, Vision of Lear, qui a été créé le 19 avril 1998 à la Biennale de Münich, de la musique vocale Seascapes-Night, ou son Requiem à Toru Takemitsu, Singing Tress (1996-97). Notons particulièrement Voiceless Voice in Hiroshima (1989-2001), pour solistes, narrateurs, choeur, bande et orchestre, bouleversant requiem pour les victimes d’Hiroshima.
Oratorio tout en tension où le calme du 5ème mouvement n’offre qu’un espoir sans illusion, Voiceless Voice in Hiroshima est une extension d’Hiroshima Requiem commencé en 1989.
Son catalogue propose aussi des compositions de musique instrumentale telle Memory (1996) pour violon, violoncelle et piano, Slow Dance (1996) pour flûte, clarinette, percussion, piano, violon et violoncelle, Windscapes (1996) pour deux percussionnistes ..., de nombreuses pièces pour instrument soliste et orchestre de chambre - Voyage I, pour violon et ensemble ; Voyage II pour basson et ensemble ; Voyage III pour trombone et ensemble ; Voyage IV (2000) pour accordéon et ensemble ; Voyage V (2001) pour flûte et orchestre de chambre - un Concerto pour violon (à la mémoire de Toru Takemitsu, 1997) et des oeuvres pour orchestre : Ferne Landschaft I (1987), II (1996) et III (1996), Memory of the Sea (1998), Seascapes-Oïta (1998), Night Bells (1999), Tabi-bito (2000) pour percussion et orchestre, Re-turning (2001 - In memory of Kunio Tsuji), Concerto pour harpe et orchestre, Voice from the ocean (2002)...
Par ailleurs, Toshio Hosokawa a composé de nombreuses oeuvres pour instruments traditionnels japonais - Tokyo (1985), Seeds of Contemplation (1986), New Seeds of Contemplation (1995) pour shômyô et orchestre de gagaku, Cloudscapes-Moon Night (1998) pour shô et accordéon, Koto-Uta (1999) pour voix et koto, In Ajimano – tiré de « Somon-ka » - pour chant, koto, violoncelle et orchestre de chambre (2002)… - et des musiques de film : Shi no toge (1990) et Nemuru Otoko (1965) de Kohei Oguri. Hosokawa a reçu le Best Music Prize of Mainichi Film Awards pour Nemuru Otoko.
Hosokawa aime travailler sur des séries ou groupes d’oeuvres où il sonde, en profondeur, un thème.
Dans la série Sen, par exemple, il crée des surfaces sonores de différentes structures et densités qui, comme une calligraphie japonaise, forment un tableau d’ensemble. Dans la série Vertical Time study, il s’occupe du temps comme phénomène relatif à la composition. Depuis quelques années, il a choisi de s’intéresser au thème de l’océan avec Voice from the Ocean (2001-2002) et Wind from the Ocean (2003) : « J’essaie d’exprimer sous forme de son le courant et le changement de l’eau. »
Circulating Ocean s’inscrit dans cette nouvelle série.
Commandée par le Festival de Salzbourg, Circulating Ocean est une oeuvre dédiée à Peter Ruzicka. Elle portait initialement le titre de Das Meer. Elle a été créée le 20 août 2005 par l’Orchestre philharmonique de Vienne placé sous la direction de Valery Gergiev.
« Pour moi, l’océan est le berceau de la vie, un être possédé de profondeur et étendue infinies. Les vagues déferlant et se retirant peuvent être senties comme la voix de l’éternité. » Pour cette oeuvre, Hosokawa « prend le chemin de l’eau circulant pour faire un parallèle avec le cycle d’une vie humaine : nés du hasard, nous montons vers les sommets avant d’entamer notre descente, subissons des tempêtes violentes et retournons dans un océan de silence profond. Puis, de nouveau la vie monte vers le ciel. Je voulais exprimer le chemin de cette vie circulante dans la musique. » (T. Hosokawa)
Circulating Ocean est constitué de 10 sections ou mouvements joués sans interruption :
· Introduction (mouvement très lent et calme)
· Silent Ocean/Mist rising from the horizon (adagio)
· Waves from the ocean
· Cloudscape in the sky
· Rain
· Tempest
· Waves
· Wind on the ocean
· Again the water returns to the sky
· Mist on the ocean
Avec cette oeuvre, le compositeur déploie son talent « d’orchestrateur, de coloriste, de maître dans l’art de suggérer des climats poétiques. Sonorités évocatrices de la machine à vent, insaisissables harmoniques des cordes, textures fuyantes et irisations inidentifiables de la percussion, on se laisse porter par une pièce changeante et très finement instrumentée – le calme du solo hypnotique de flûte basse puis de basson. » (Yannick Million – Altamusica)
Durée : 22 minutes