Biographie

Karlheinz STOCKHAUSEN

Oeuvre(s)

" Ora Prima "

pour orgue, soprano et ténor

« Né en 1928 à Mödrath, Karlheinz Stockhausen étudie le piano, la musicologie, la philologie au conservatoire et à l'université de Cologne, avant de suivre en 1951 les Cours d'été de Darmstadt où il enseigne deux ans plus tard. Membre fondateur du studio de musique électronique de Cologne en 1953, il suit les cours de phonétique de Werner Meyer-Eppler à l'université de Bonn (1954-1956), tout en dirigeant la revue Die Reihe (1954-1959). Professeur aux Kölner Kurse für Neue Musik (1963-1968), à l'université de Pennsylvanie (1965) et à l'université de Californie (1966-1967) Stockhausen poursuit une intense activité d'interprète, de théoricien et de conférencier qui l'amène à parcourir de nombreux pays, parmi lesquels le Japon où il est accueilli pour l'Exposition Universelle de 1970. Depuis 1977, il compose un cycle de sept opéras, Licht (Donnerstag en 1981,
Samstag en 1984, Montag en 1988, Dienstag en 1993, Freitag en 1996...). Il a composé plus de 254 oeuvres ». (Biographie de la Médiathèque de l’IRCAM)
« Dès le début de sa carrière de musicien, Karlheinz Stockhausen a visé la totalité, le projet qui intègre tout. Avant de commencer à composer – il voulait être écrivain –, il trouve en 1948 les ferments de sa créativité en lisant le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse. « J’ai trouvé cela prophétique, car j’ai réalisé que l’appel le plus élevé de l’humanité peut être de devenir un musicien dans le sens le plus profond : concevoir et former le monde musicalement. ». C’est comme métaphore du cosmos que Stockhausen aborde le post-sérialisme avec Kreuzspiel en 1951.
Sa vision englobante s’épanouit dans l’espace en 1957 dans Gruppen pour trois orchestres spatialisés. L’oeuvre est bâtie selon les proportions d’une série de douze sons qui régit les paramètres du son. Les notes de la série sont comme des « graines d’univers ». L’exploration de la mise en espace du son trouve un prolongement dans le Chant des adolescents, projection sur cinq canaux d’une grande composition électronique. La circulation du son et, singulièrement, la rotation des sons dans l’espace deviennent une donnée fondamentale. C’est un des apports majeurs des travaux au Studio de Cologne : façonner des sons nouveaux (avec des générateurs de sons, des filtres, des modulateurs…) et les projeter dans l’espace.
Les années soixante sont marquées par l’exploration de l’électronique live (Mixtur pour orchestre et modulation en anneau en 1964) qui aboutissent au triomphe du compositeur dans la grande sphère du pavillon allemand de l’Exposition Universelle d’Osaka en 1970. Quant aux années soixante-dix, elles débutent avec Mantra, pour deux pianos et modulation en anneau. Une mélodie de treize notes contient toutes les informations (types d’attaque du son, modes de jeu…) sur le déploiement de l’oeuvre en treize cycles sur plus d’une heure. Le concept de formule apparaît. Dans Trans pour orchestre (1971), c’est la notion de « spectacle scénique » qui est développée : tous les gestes des musiciens sont parties intégrantes de la composition. La création musicale se confond avec l’élaboration d’un rituel religieux dans Inori (1974) pièce dans laquelle des mimes-danseurs exécutent devant un orchestre, en totale relation avec la musique, des gestes empruntés à de nombreux cultes du monde. L’accumulation des références, la collection exhaustive est un fait récurrent chez Stockhausen (les divinités dans Stimmung, les hymnes de la planète pour Hymnen).
De 1975 à 1977, il travaille sur Sirius, pour quatre solistes (les quatre polarités, Bélier, Cancer, Balance et Capricorne) et une importante partie électronique. Stockhausen déclare fonder son art musical sur les mouvements des astres et les périodicités que cela engendre, et sur ses convictions spirituelles.
En 1976, il reçoit une commande du Théâtre National de Tokyo pour l’ensemble de musique Gagaku, formation instrumentale réservée à la cour impériale du Japon. En octobre 1977, le musicien gagne l’Empire du Soleil levant, trouve l’idée de la pièce qu’il va composer, qui deviendra Jahreslauf (le cours de l’année). A l’origine, cela s’intitulait Hikari, ce qui signifie lumière en japonais.
C’est la première pièce qui sera intégrée dans Licht.
En 1978 germe l’idée de développer le grand cycle sur les jours de la semaine, Lumière, Licht (light, luce…). Il travaillera sur ce cycle de sept opéras en 7 journées durant 25 ans, la dernière scène de Licht ayant été présentée le 16 octobre 2004 à Donaueschingen.
(d’après Michel Rigoni, Musica falsa 19)
Après Licht, travail sur les jours de la semaine, Stockhausen entame avec Klang (« Son ») le cycle des 24 heures, avant d’imaginer (c’est dans ses projets) une musique pour les minutes, puis pour les secondes.
Erste Stunde (Prima ora ou première heure) constitue le premier volet de ce nouveau cycle intitulé Klang. Ce premier opus pour orgue monumental à cinq claviers, soprano et ténor a été créé le jeudi 5 mai 2005, jour de l’Ascension, au Dôme de Milan par Alessandro La Ciacera (orgue), Barbara Zanichelli (soprano), Paolo Borgonovo (ténor) et Igor Kavulek (ingénieur du son) sous la direction du compositeur.
Erste Stunde utilise 24 tempi différents conjugués à 24 registres différenciés avec la
correspondance suivante : « Les timbres les plus complexes et les plus forts pour les tempi les plus lents ; les timbres les plus transparents et les plus légers pour les tempi les plus rapides », avec une répartition de tempi différents aux deux mains de l’organiste (qui a fait renoncer trois interprètes de renom).
Connaissant le goût de Stockhausen pour la symbolique religieuse et son orientation musicale vers l’au-delà, on suppose que la création d’Erste Stunde le jour de l’Ascension n’a pas été sans incidence sur le contenu de l’oeuvre. La réponse se trouve dans le texte écrit par le compositeur, que chantent la soprano et le ténor. « Je prie Saint Michel de pouvoir un jour, comme Jésus, monter au ciel, qui – comme la musique – est invisible » et, revenant à la partition : « Le fait de demander à un interprète de briser la barrière du temps en jouant simultanément des tempi différents, c’est comme contraindre un homme à la rupture physique permettant d’aller sous forme d’esprit vers un autre monde. »
(propos recueillis par Pierre Gervasoni pour le Monde du 9 mai 2005)
Durée : 42 minutes