Biographie

Helena TULVE

Oeuvre(s)

" Reyah hadas ‘ala’ "

Helena Tulve est née en 1972 en Estonie. Elle a étudié la composition avec Alo Põldmäe à l’École secondaire de Musique de Tallinn, puis de 1989 à 1992 à l’Académie de Musique d’Estonie, où elle fut l’unique élève d’Erkki-Sven Tüür. Suivirent les études au CNR de Paris, dans la classe de Jacques Charpentier, où elle obtint un Premier Prix en 1994. De 1993 à 1996, elle a complété sa formation en étudiant le chant grégorien. Elle a participé à des académies d’été avec György Ligeti, Marco Stroppa, Brian Ferneyhough, Marc-André Dalbavie, Jonathan Harvey et Roger Reynolds.
Helena Tulve appartient à cette jeune génération de compositeurs estoniens qui, par opposition à la tradition du néoclassicisme, centrée sur le rythme, s’est consacrée à une création musicale centrée sur le timbre. Son oeuvre embrasse un panorama culturel d’une richesse étonnante, avec des échos de la musique spectrale française ou des expérimentations de l’IRCAM, mais aussi de Saariaho ou de Scelsi, du chant grégorien ou des répertoires orientaux. Issue d’un traitement du son très raffiné, sa musique a une structure fluide, dans laquelle le processus importe davantage que l’architectonique. Dans ses créations se conjuguent de façon très heureuse précision analytique et manipulation intuitive des timbres. L’atmosphère dans laquelle baignent ses oeuvres renvoie principalement à une expérience métaphysique de l’existence, qui se reflète aussi dans les titres ou dans les commentaires poétiques.
En 1998, son oeuvre à travers (pour ensemble) a remporté le second prix à la Tribune Internationale des Compositeurs à Paris, dans la catégorie des jeunes compositeurs. En 2000, Helena Tulve a reçu le prix Heino Eller. La même année, elle a commencé à enseigner la composition à l’Académie de la Musique d’Estonie. En 2001, elle a été sélectionnée pour participer aux cours de musique électronique organisés à Paris par l’IRCAM. Pendant la saison 2001/2002, elle a été compositeur en résidence auprès du Choeur philharmonique de chambre d’Estonie ; de cette collaboration est issu son opéra de chambre It Is Getting So Dark qui a été créé en juin 2004. Cette même année, son oeuvre Sula, pour orchestre, remporte le premier prix à la Tribune Internationale des Compositeurs à Paris et elle reçoit le Prix de la musique décerné par le Conseil estonien.
Son catalogue compte une trentaine d’oeuvres avec une nette dominante pour la musique de chambre pour ensemble et la musique vocale.
« Dans la musique estonienne, Helena Tulve est une bâtisseuse de sons. Ses variations de timbre ou de couleur comportent des associations puissamment sensuelles ou dramatiques, et il est un peu étonnant que la compositrice ne se laisse pas piéger par la fascination sonore, mais édifie à l’aide de ces sonorités expressives des structures cohérentes et d’une transparence « classique ».
Traces, oeuvre pour orchestre de chambre, produisait par ses nuances visant à l’indétermination (phrases glissando, microintervalles, usage des registres extrêmes) l’effet d’un théâtre sonore métaphysique. On avait le sentiment d’un parcours inattendu, mais cependant cohérent... Peut-être l’essence de la créativité réside-t-elle justement dans la mise en oeuvre d’un paradoxe. » (Evi Arujärv)
« Il m’importe beaucoup d’élargir les limites de la musique. Dépasser les limites sonores, formelles et stylistiques, mais aussi les limites géographiques qui en sont la cause. » Naturellement, Helena Tulve pense aussi aux frontières spirituelles et à l’élargissement de la pensée au-delà des frontières musicales.
« Si l’art reflète dans une certaine mesure le temps présent, Tulve contemple des valeurs éternelles. Elle ne cherche pas à différencier nettement son style de celui des autres, mais aspire plutôt, comme compositrice, à approcher par la musique des phénomènes comme l’esprit, l’âme, l’eau (la matière), l’instant et leurs relations avec le Créateur. Dans Reyah hadas ‘ala, un intérêt supplémentaire provient de l’association des timbres d’instruments anciens (les flûtes à bec, la bombarde et la dulciane, ancêtre du basson) à un instrumentarium plus familier. Helena Tulve utilise une ancienne mélodie yéménite en
valeurs longues étirées, ce qui nous ramène à l’idée de la compositrice comme observateur d’un son unique et de ses transformations. Elle laisse le temps nécessaire pour jouer et pour écouter, elle nous fait même participer à sa paisible déambulation.
Tout comme l’eau s’écoule continuellement, jusqu’à ce qu’elle s’unisse à l’océan. » (Piret Väinmaa, Sirp, 7 avril 2006)
« Au lieu de mélodies et d’enchaînements complexes, ce sont des méditations sonores d’une grande simplicité qui submergent l’auditeur de leurs consonances ou de leurs dissonances. Ce déferlement de sons, plaintif mais puissant, crié jusqu’à son terme, se prolonge dans l’infini. » (Johanna-Mai Vihalem, Eesti Päevaleht, 3 avril 2006)
Reyah hadas ‘ala a été écrit en 2005 à la demande des ensembles de musique ancienne Vox Clamantis et Hortus Musicus. L’oeuvre a été créée le 27 avril 2005 par les ensembles commanditaires dirigés par Jaan-Eik Tulve.
« J’ai choisi pour la pièce le poème de rabbin Shalom Shabazi (1619-1720), poète et chef spirituel des juifs du Yémen et comme source d’inspiration la mélodie traditionnelle yéménite notée par le compositeur israélien Yehezkel Braun. » (Helena Tulve)
Le parfum des myrtes est monté et mon âme a tressailli ; Je me suis levé à minuit et mon Bien-Aimé m’a conduit.
Au milieu des feuillages, les anges des cieux se rassemblent, Sans voir le Rocher qui les voit, et qui m’a créé.
Durée : environ 15 minutes