Biographie

Michael JARRELL

Michael Jarrell étudie la composition dans la classe d'Eric Gaudibert au Conservatoire de Genève et lors de divers stages aux Etats-Unis (Tanglewood, 1979). Il complète sa formation à la Staatliche Hochschule für Musik de Freiburg im Brisgau, auprès de Klaus Huber. Depuis 1982, son oeuvre a reçu de nombreux prix : prix Acanthes (1983), Beethovenpreis de la Ville de Bonn (1986), prix Marescotti (1986), Gaudeamus et Henriette Renié (1988), Siemens-Förderungspreis (1990). Entre 1986 et 1988, il séjourne à la Cité des Arts à Paris et participe au stage d'informatique musicale de l'Ircam. Il est ensuite pensionnaire de la Villa Médicis à Rome en 1988/89, puis membre de l'Istituto Svizzero di Roma en 1989/90. Il reçoit le Prix Musique de la Ville de Vienne en 2010 (Musikpreis der Stadt Wien).

D'octobre 1991 à juin 1993, il est compositeur résident à l'Orchestre de Lyon. Depuis 1993, il est professeur de composition à l'Université de Vienne. En 1996, il est accueilli comme « compositeur en résidence » au festival de Lucerne, puis est célébré lors du festival Musica Nova Helsinki, qui lui est dédié en mars 2000. En 2001, le festival de Salzbourg lui passe commande d'un concerto pour piano et orchestre intitulé Abschied. La même année, il est nommé Chevalier des Arts et des Lettres. En 2004, il est nommé professeur de composition au conservatoire supérieur de Genève.

Michael Jarrell compose en 2016, Aquateinte pour hautbois et orchestre, créé par François Leleux à Francfort, Salt Lake City, Monte Carlo et Berne. Ainsi que deux autres concertos, Des nuages et des brouillards (pour violon et orchestre), Ilya Gringolts donne la première audition à Lausanne et Hong-Kong et Emergences-Résurgences (pour alto et orchestre) pour Tabea Zimmermann à Strasbourg, Vienne, Genève et Berlin. En 2017, son concerto pour flute et ensemble ...Un temps de silence..., composé pour Emmanuel Pahud et l'Ensemble Scharoun, est créé à la Philharmonie de Berlin. Un nouvel opéra, Bérénice d'après Jean Racine (commande de l'Opéra National de Paris) a été créé en 2018 à Paris avec Barbara Hannigan (Bérénice) et Bo Skovhus (Titus).

Oeuvre(s)

" Reflections (2019) "

Concerto pour piano et orchestre

Ed. Lemoine

SELECTION 2021

Le titre "Reflections" en anglais a un double sens : à la fois pensée et reflet. Cette partition est un écho, un reflet, des pensées qui ont été miennes après la création de mon opéra Bérénice, en automne 2018, au Palais Garnier à Paris. Ce fut une période assez difficile pour moi car elle a été marquée par la mort d’Éric Daubresse, réalisateur en informatique musicale à l’Ircam. C’était aussi un collègue, un compositeur, un homme très discret, d’une grande rigueur avec un sens éthique très fort. Ce concerto lui est dédié.

Ce concerto comprend trois mouvements séparés – ce qui est assez rare chez moi – qui correspondent au schéma classique vif-lent-vif, avec un premier mouvement qui est lui-même rapide, puis lent, puis de nouveau rapide, puis de nouveau lent. Une fois passée l’introduction orchestrale, c’est le piano qui va reprendre la note centrale "le fa dièse" et qui énonce les accords de ce mouvement : des quintes imbriquées, que l’orchestre va agrandir. A la fin de ce mouvement des “sons de cloches” retentissent et font directement référence à un moment qui m’a marqué lors d'une messe catholique à la mémoire d’une autre personne disparue. 

C’est une manière de préparer le mouvement central. Celui- ci est un moment de stabilité, de recueillement, conçu comme un canon, dans lequel l’intervalle de quinte joue un rôle important. Le dernier mouvement, plus rythmique, plus bondissant, est fait de quintes diminuées parallèles. On y entend plus clairement le flux souterrain qui innerve le concerto depuis le début.

Le mouvement central est très simple techniquement, mais les deux autres sont redoutables. Bertrand Chamayou possède une aisance technique magnifique, que j’ai eu envie d’utiliser. J’aime l’idée d’écrire pour quelqu’un qui va créer une œuvre, puis, la reprendre.

Source : ed. Lemoine

" 4 Eïndrucke (2019) "

Concerto pour violon et orchestre

Ed. Lemoine

SELECTION 2021

Ce concerto est le quatrième pour violon de Michael Jarrell, après… Prisme / Incidences… de 1998, dédié à la violoniste Hae-Sun Kang puis Paysages avec figures absentes – Nachlese IV, de 2010 créé par Isabelle Faust et Des nuages et des brouillards, en 2016 destiné à Ilya Gringolts. Cet opus dédié à Renaud Capuçon est une commande du Suntory Hall de Tokyo, de l’Orchestre National des Pays de la Loire et du Gürzenich de Cologne. La première mondiale a été donnée le 30 août 2019, par le Tokyo Symphony Orchestra sous la baguette de Pascal Rophé.

« Pour moi, composer un concerto, c’est écrire pour un artiste précis que j’apprends à connaître. La pièce devient une sorte de portrait. J’ai donc, automatiquement, traité le violon de manière différente dans chacun des quatre concertos.

Quatre mouvements irriguent celui-ci.

Le premier est très virtuose et dynamique. L’orchestre débute le second mouvement et met en place, avec des modes de jeux particuliers, un mouvement régulier de double-croches, le soliste ne jouant qu’en pizzicato. Le troisième est de caractère lent et termine sur une lente mélodie autour de mi. Le dernier mouvement, quant à lui, retrouve la virtuosité du premier pour aboutir dans un climax final. »

Michael Jarrell

" Emergences - Résurgences "

Concerto pour alto et orchestre

Lemoine

SÉLECTION 2017

Le concerto d'alto intitulé Emergences-résurgences est une référence directe à l'art picturale d'Henri Michaux.

Courbes, couleurs, clairs-obscurs ou traits appuyés, j'ai essayé d'intégrer une dimension picturale dans le projet de cette pièce et dans sa réalisation. Pour autant, je ne crois pas que ceci n'en fasse une œuvre contemplative. La musique, qui est avant tout un art du temps, utilise ici toutes les possibilités dynamiques, l'énergie de la partie soliste y étant, dès le début, très présente. Particulièrement sensible à la continuité de l'écoute, j'ai essayé de travailler les phrases musicales comme, me semble-t-il, un écrivain travaille la langue, attentif à la grande courbe comme aux petites inflexions.

L'utilisation de notes pivots, points fixes vers lequel sont attirées ou d'où sont repoussées des figures caractéristiques, est présente dès le tout début de la pièce. Les figures s'étirent, se démultiplient, se réfractent ou se resserrent, sortes de miroitements et les enchaînements sont quelquefois fondés sur des échos, des résonnances, des bifurcations ou des oppositions brusques.

Les processus se déploient toujours à l'intérieur d'un cadre donné et il existe des liens entre les différents moments de l'œuvre. Certaines figurations sont disloquées, utilisées quelquefois sous forme de fragments. D'une certaine manière, j'ai essayé d'écrire une musique qui sépare la profondeur du passé de l'abîme du futur.

La pièce est dédiée à Tabea Zimmermann.

Michael Jarrell (septembre 2016)

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" Emergences - Nachlese VI "

Pour violoncelle et orchestre

Lemoine/Jobert

SÉLECTION 2013

C R E A T I O N
3 février 2012 - Salt Lake City (Etats-Unis), Abravanel Hall – Jean-Guihen Queyras, violoncelle - Utah Symphony – dir. Thierry Fischer.
Commanditaire :  Utah  Symphony, l'Orchestre de  la  Suisse  Romande, l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg et l'Orchestre National de Lyon (avec l’aide de Swiss Arts Council Pro Helvetia).


N O T I C E
La composition opère à la manière d'une structure arborescente. A chaque ramification, il faut choisir un chemin, élu d'après toute la dynamique de l’ensemble de la pièce. Ce que faisant, vous laissez derrière vous nombre d'idées, de fragments. "Nachlese" est un terme allemand utilisé par Goethe dans le sens de "relecture", de "référence à" ou bien de "commentaire"... L'idée de ce cycle (Nachlese) est de revenir sur  des  idées  musicales  qui  étaient  intéressantes,  mais  qui,  dans  un  contexte différent, se trouvaient être inappropriées et de les développer dans de nouvelles directions. Quand je choisis un titre, j'aime m'en référer à différentes techniques employées dans la pièce, autant, très directement, qu'à ce qui est entendu à certains moments. Dans le premier mouvement par exemple, l'orchestre "émerge" de la ligne nerveuse que joue le soliste et, plus tard, le point culminant de ce mouvement "émerge" à nouveau de la dernière ligne jouée par l'orchestre. Cette pièce est dédiée à Jean-Guihen Queyras et Thierry Fischer.
Michael Jarrell, décembre 2011

 

" Galilée "

Opéra

Né en 1958, à Genève, Michael Jarrell commence le piano dès la prime enfance avant de faire ses études musicales au Conservatoire de Genève. Il suit divers stages aux Etats-Unis (Tanglewood, 1979) puis travaille la composition à la Staatliche Hochschule für Musik de Freiburd im Bresgau avec Klaus Huber. Entre 1986 et 1988, il séjourne à Paris pour effectuer un stage d’informatique à l’IRCAM qui lui commande une pièce pour flûte Midi, hautbois, ensemble instrumental et électronique, Congruences.


En 1988-89 il est pensionnaire à la Villa Médicis de Rome et en 1989-90, à l’Institut suisse de Rome. Entre1991 et 1993, il est compositeur résident à l’Orchestre de Lyon, et depuis octobre 1993, il est installé à Vienne comme professeur de composition à la Hochschule für Musik.


Les oeuvres de Michael Jarrell disent toutes, à leur manière, que l’écriture ne procède pas ex nihilo. A l’image des dessins et portraits de Giacometti qu’il admire, Jarrell revendique la nécessité de « travailler sans cesse la même idée », dans des cycles de pièces qui, comme la série des Assonances initiée en 1983, forment un vaste « cahier d’esquisses ».


Ses titres, souvent, témoignent des parentés entre ses oeuvres. Somes Leaves, pour violoncelle seul et Somes Leaves II pour alto seul sont, en quelque sorte, les feuillets extraits de From the leaves of Shadow, concerto pour alto et orchestre de 1991. Prisme, pour violon seul, est une « mise à nu » de la partie soliste de … prisme/incidences…, concerto pour violon et orchestre de 1998. De même, Offrandes, pour harpe seule, expose à découvert le fragile instrument qui dialoguait avec un orchestre à cordes dans Conversations (1988).


Ce rapport d’extraction, cette façon de creuser dans la matière d’une écriture passée se formule à la lettre dans Aus Bebung , « extrait de Bebung », pièce de 1995 pour clarinette, violoncelle et ensemble.


L’écriture instrumentale de Jarrell a ceci de magique qu’elle travaille la couleur et le modelé par petites touches et retouches, créant un art de la « transition infime » (selon le mot d’Adorno pour Alban Berg). Sur un canevas harmonique souvent arrêté, il fait chatoyer les coloris, comme des relais de timbres alternant sur un dessin inchangé.

Si la musique de Jarrell aime le grave, les textures complexes et denses, la lenteur, elle ne renonce pas cependant aux fulgurances et aux emportements. C’est une musique souvent portée par le théâtre : … d’ombres lointaines…(1990), d’un style vocal puissant, faisant alterner avec bonheur le chanté et le parlé ; Dérives (1985), opéra de chambre et surtout Kassandra, monodrame sur le texte de Christa Wolf, créé en 1994 au Théâtre du Châtelet par Marthe Keller et repris, en 1999, au Théâtre des Amandiers démontrant la vitalité de cette partition où dominent les couleurs sombres et obsédantes de l’interrogation.

NOTICE

Galilée, opéra en 12 scènes d’après La vie de Galilée de Bertolt Brecht, a été créé le 25 janvier 2006 au Grand Théâtre de Genève par l’Orchestre de la Suisse Romande, les Choeurs du Grand Théâtre, Claudio Otelli (Galilée), Peter Bording (Andrea Sarti), Hanna Schaer (Madame Sarti), Ulfried Haselsteiner (Ludovico), Elzbieta Szmytka (Virginia), Peter Kennel (l’Inquisiteur)… placés sous la direction de Pascal Rophé. Réalisation informatique musicale de l’Ircam : Gilbert Nouno. Mise en scène : Nicolas Brieger.


Galilée est le premier opéra de grand format de Michael Jarrell. « Je suis délibérément entré dans la "machineopéra" » dit le compositeur, acceptant d’écrire pour des chanteurs d’opéra qui ont un répertoire bien précis, de leur attribuer un personnage et de les faire chanter avec leur technique classique. « J’ai accepté d’écrire un opéra, donc d’essayer un certain nombre de choses à l’intérieur d’un carcan donné. Peut-être me reprochera-ton d’avoir écrit un opéra trop « classique », parce que sa dramaturgie suit la chronologie et que je fais chanter des personnages… » Le compositeur a lui-même tiré son livret d’après La vie de Galilée de Brecht, resserrant quelques peu l’action et la concentrant sur le personnage de Galilée, figure historique dont Brecht a fait un être pétri de contradictions.


Contrairement à la structure de la pièce, bien délimitée en 15 scènes encadrées de chansons-frontispices, Michael Jarrell a conçu son opéra comme un flux ininterrompu de 12 scènes, cherchant à saisir les moindres nuances et évolutions des différents personnages mis en scène par Brecht. Son écriture n’est pas soumise à un seul et unique principe de composition, mais elle tente de trouver pour chaque situation une manière idoine de rendre cette dernière à la fois théâtrale et musicale, dans sa forme comme dans son expressivité propre.


L’orchestre développe ainsi tantôt des textures diaphanes, tantôt des effets de masses, le traitement de la voix s’avère extrêmement diversifié, du parlé le plus sec au chant le plus lyrique, et certaines superpositions (de répliques ou de scènes) cherchent à rendre l’aspect parfois désordonné et foisonnant de la réalité, en y puisant toujours une intense musicalité.


Le choeur est la plupart du temps en « voix off », le compositeur ne souhaitant pas lui donner une importance dramaturgique ; il apporte une sorte de commentaire musical de l’action et remplace presque les poèmes que Brecht a placés en frontispice de chaque scène mais sans cloisonner la pièce. Des interludes instrumentaux, très courts et toujours enchaînés aux scènes qui suivent et qui précèdent, dénotent le changement géographique ou le temps qui passe.


« Il reste que l’essentiel se passe à l’orchestre, que Jarrell traite avec un raffinement, une sensibilité et aussi une puissance proprement admirables. » (Harry Halbreich)


Durée : environ 1h40