Biographie

José-Maria SANCHEZ-VERDU

Oeuvre(s)

" Jardi Blau "

Pour baryton, clarinette, orchestre et choeur

Breitkopf & Härtel

SÉLECTION 2011

CREATION

29 mai 2010 - Encargo del Palau de les Arts Reina Sofía, Valencia - J.-M. Ramon, J.-E. Lluna, Orquesta de la Comunitat de Valencia y Coro de la Generalitat Valenciana, dir: Zubin Mehta.

NOTICE

Cette grande composition de près d’une heure est un cycle poético-musical basé sur la philosophie, la pensée et quelques textes de Raymond Lulle. De brefs fragments poétiques de cette figure unique non seulement empreignent la partition et son arôme, mais en plus ils cohabitent – comme Lulle le fit à son époque – avec des pensées et des idées des mondes islamiques et juifs. C’est pour cela que les poèmes de Yehudà Ha-Levi et ceux de Muhammad Ibn Ubada Al-Qazzaz dialoguent avec les brefs et magnifiques textes poétiques du Livre de l’ami et de l’aimé du mystique majorquin. Les diagrammes de la philosophie de Lulle, ainsi que son interaction avec d’autres formes de  pensées et de croyances, ont fait partie du développement de la partition, non seulement d’un point de vue textuel, mais aussi du point de vue du développement même de la matière musicale.
Le Livre du gentil et des trois sages, de Lulle, plane au-dessus de cette oeuvre, même si cela se fait sans référence textuelle directe ; cela se fait à partir de visions et d’exposés très lulliens, comme les figures du jardin, des arbres et des fleurs comme systèmes de schématisation de sa méthode de pensée. Pour cela, l’œuvre s’articule en deux mouvements instrumentaux approfondis (« Mural » et « Horitzo ») et en six jardins musicaux.
« Mural » constitue une entrée poétique dans le jardin des pensées de Lulle : ses détours, ses chemins, ses labyrinthes offrent une tapisserie sonore dense et riche qui sert d’introduction à toute l’œuvre. « Horitzo », pour sa part, est le côté plus mystique de l’œuvre : il suppose un interlude central dans lequel la clarinette se retrouve immergée dans ce jardin d’arômes, de fleurs et d’arbres de l’œuvre lullienne : le clarinettiste joue le rôle de  cet aimé perdu dans les labyrinthes du jardin, dans le lequel la parole est déjà incapable de transmettre les états de béatitude et d’extase : l’horizon est la seule ligne qui détermine et assure l’existence, c’est la frontière de l’abîme dans lequel font face le connu et l’inconnu. L’horizon n’est pas uniquement la patrie commune des hommes – comme disait  le sculpteur espagnol Chillida – mais c’est là-bas que commencent « à se définir nos limites » (Edmond Jabés).
Les jardins (« Jardi » 1 à 6) sont des pièces d’espace et de temps où se déploient des visions et des associations très concrètes en relation avec l’œuvre de Lulle (représentant belligérant du Christianisme) et avec la pensée d’auteurs juifs et musulmans. « Jardi blau » est l’image métaphorique de cette Méditerranée couverte de couches d’histoires et de sédiments des grandes cultures qui l’ont traversée, explorée et conquise, laissant des traces de langues, de religions et de cultures distinctes. Lulle, par ses perpétuels voyages à travers ce cadre spatial de son époque, entre Majorque, la côte levantine, le sud de la France et le nord du Maghreb, ne symbolise pas seulement une figure de proue d’une langue (comme Dante en Italie) car il est aussi le père d’un système de pensée et de philosophie personnelles très original. Le « Jardi blau » part de la tentative d’inclure cette Méditerranée dans un jardin comme image de la Nature domestiquée et conquise par l’homme, un espace refait à la mesure de l’homme dans lequel se superposent le caractère agréable de ses chemins et de ses recoins à sa métaphore comme lieu de connaissance.
« Qualia » est le singulier de quale. Le qualia représente dans la philosophie de l’esprit une question largement discutée (comme son existence même) et fait référence à la perception des couleurs. A partir de ce principe, quand il était question de  la prise en charge de cette œuvre par le Palau de les Arts, il était clair qu’il voulait lier la partie musicale à la partie spatiale, plus encore, s’agissant d’un espace architectonique emblématique à Valence et avec le nom de Calatrava comme drapeau. En ce sens, « Qualia-Jardi blau » cherche aussi à faire interagir chacune de ses sessions ou jardins musicaux et poétiques avec la couleur comme part de la perception de l’œuvre. En ce sens, une dramaturgie de lumière parallèle à la dramaturgie musicale se présente ; il s’agit donc de donner une profondeur de lumière et de perception de couleur aux différentes parties de l’œuvre, lesquelles présentent déjà au même moment une profondeur ou niveau sémantique (les textes utilisés et leur signification) et une profondeur ou niveau abstrait purement musical, pas sémantique, mais qui traduit et s’inspire des deux premiers niveaux. La lumière, les textes et la musique déploient ces grands niveaux comme un palimpseste autour des visions et de la poétique de Raymond Lulle.
Le baryton soliste ainsi que la clarinette, elle aussi soliste, réincarnent les personnages lulliens des deux amants, de leurs dialogues tracés à partir du Livre de l’ami et de l’aimé. Le chœur participe à ces dialogues apportant la parole poétique avec sa signification ; en revanche, la clarinette  est la parole essentielle qui ne peut déjà plus transmettre de contenu, c’est la musique pure. Chœur, clarinette et baryton, avec leurs questions et réponses, créent un jardin poétique et musical dans lequel les textes, le caractère spatial déterminé dans la partition ainsi que le propre développement du matériel sonore et de la couleur créent un voyage, un itinéraire, un déplacement. Peut-être comme les voyages continuels que Raymond Lulle, plein d’aventure, d’utopie et de passion à la fois, se mettait à faire, à la recherche de ses intérêts religieux et philosophiques.
© José M. Sánchez-Verdú (2010)

 

" Elogio del horizonte "

pour clarinette et orchestre

Editions Breitkopf

NOTICE


Ce concert pour clarinette et orchestre est un hommage au peintre et sculpteur espagnol Eduardo Chillida. Son œuvre et certaines de ses idées étaient présentes pendant la composition de la pièce.

Dans Elogio del horizonte (qui est également le titre d’une sculpture de Chillida), de forme musical et poétique, se posent et mettent en jeu différents chemins jusqu’à cette ligne d’horizon qui s’envisage comme la limite et comme la possibilité de voir au-delà. La pièce approche ces limites en caressant la manière de transpercer les limites de la perception, de l’écoute. Les limites sont des traces musicales à travers des matériaux qui traversent par exemple la limite audible, où des matériaux dont la vitesse s’annonce comme impossible, ou des limites de la perception qui naissent de la saturation à cause de l’excès d’information…  et finalement des limites qui sont exprimées dans l’espace : des limites de la salle de concert, les extensions maximales dans l’espace des sources sonores dans une composition qui compte quatre instruments (deux duo) un écho : deux clarinettes et deux instruments à cordes (un violon et un alto). Les limites de l’espace sont fixes pour eux, et le clarinettiste soliste, dans le centre est le point central où ils jouent avec l’architecture des limites et où ils observaient la ligne de l’horizon. La pièce est dédicacée au clarinettiste Joan Enric Lluna.

Jose M. Sanchez-Verdu