Ed. Lemoine
(Le Havre, 1947)
Né en 1947 au Havre, Tristan Murail obtient un diplôme d'arabe classique et d'arabe maghrébin à l'Ecole nationale des langues orientales ainsi qu'une licence ès sciences économiques à l'Institut d'études politiques de Paris avant de s'orienter vers la composition. Elève d'Olivier Messiaen, il reçoit le Prix de Rome en 1971 et passe deux ans à la Villa Médicis. A son retour à Paris en 1973, il est co-fondateur de l'ensemble L'Itinéraire avec un groupe de jeunes compositeurs et musiciens. L'ensemble obtient très rapidement une large reconnaissance pour ses recherches fondamentales dans le domaine du jeu instrumental et de l'électronique. Dans les années quatre-vingt, Tristan Murail commence à utiliser l'informatique pour approfondir sa recherche des phénomènes acoustiques. Il collabore plusieurs années avec l'Ircam où il enseigne la composition de 1991 à 1997 et participe au programme d'aide à la composition Patchwork. Tristan Murail enseigne également dans de nombreux festivals et institutions, entre autres, aux Darmstadt Ferienkurse, à l'Abbaye de Royaumont, au Centre Acanthes, etc.
Il occupe actuellement la chaire de composition à l'Université de Columbia, à New York.
NOTICE
« Contes cruels » pour deux guitares électriques et orchestre n'est pas un double concerto en lui-même : les guitares font subrepticement irruption au sein de l'orchestre et donnent à ces contes cruels une couleur inhabituelle. Ainsi la seconde guitare est-elle accordée un quart de ton plus haut de manière à atteindre une plus grande palette d'harmoniques. Murail utilise également les modulateurs en anneau, une pédale d'effets des années soixante dix, années pendant lesquelles Murail a petit à petit commencé à se faire un nom comme compositeur.
« Contes cruels » se compose d'une chaîne de mouvements mélodiques en expansion et en régression: des couleurs transparentes, qui se meuvent les unes vers et à l'intérieur des autres, s'opposent à des gestes qui ne s'approchent les uns des autres que pour revenir d'un bond à leur point de départ.
« Contes cruels » fait référence aux nouvelles de l'écrivain français Villiers de l'Isle-Adam. On peut également résumer la forme de l'oeuvre de Murail en une série de "contes", même si le compositeur a vite fait de nous rappeler qu'il ne saurait être ici question de musique à programme. Quelquefois, pourtant, comme au début, le soliste joue un motif que Murail fait reposer sur les mots "Il était une fois". Murail fait aussi référence, de manière drôlatique, à la nouvelle Le secret de l'ancienne musique, qui, d'après Murail, est "l'histoire bizarre d'un joueur de Chapeau-chinois (le Chapeau-chinois est un instrument à percussion composé de nombreuses clochettes disposées autour d'une barre centrale, qu'il est très difficile d'empêcher de sonner). Le joueur de Chapeau-chinois est engagé pour jouer un solo dans une nouvelle oeuvre d'un compositeur d'avant-garde (du XIXe siècle !) - sa partie consiste en des crescendos de silence. A la fin du concert, l'interprète proteste publiquement contre la nouveauté de cette musique, de manière si véhémente qu'il en tombe dans la grosse caisse, déchirant sa membrane pour disparaître à l'intérieur. Un auditeur attentif entendra quelques allusions humoristiques à ce conte dans ma pièce..."?Note de programme pour la première mondiale à Amsterdam?
Traduction française : Anna Svenbro