
" Prozession "
Pour orchestre symphonique
Ed. Ricordi
SÉLECTION 2022
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2024
1.1.2(2=sax).0. 1.2.1.0. 4perc. 2synth.egit. 1.1.1.1.1. dir
49’
> Commande : Auftragswerk von Kunststiftung NRW, Ensemble Musikfabrik
und von Bernd und Ute Bohmeier.
> Création : 22/11/2020 Ensemblefestival Leipzig, Ensemble Musikfabrik dir. Enno Poppe (WP)
– 05/09/2021 Musikfest Berlin, Ensemble Musikfabrik dir. Enno Poppe (Live premiere).
Musique du confinement. Il y a cinq ans, Enno Poppe a commencé à travailler sur Prozession, mais il s’est arrêté à la huitième minute. Il finirait par reprendre sa tâche. Poppe pensait que cette pièce durerait probablement 15 minutes, mais elle est devenue trois fois plus longue. Lorsqu’à la mi-mars, alors que rien ne se passait au-dehors, il a décidé de ressortir la partition, celle-ci a soudain commencé à prendre forme toute seule, à s’étendre et se déployer. Dès 2015, il avait lui-même semé les graines du développement et avait dessiné un motif croissant et une logique concrète de proportions, mais même lui fut surpris de constater dans quelle mesure elle l’avait transporté.
[...] Le silence de Poppe à l’égard du sens à donner à ses titres est légendaire. Cependant, par comparaison, Prozession laisse des indices plutôt concrets. Une procédure suit un certain plan sans interruption. Une procession, pour sa part, suit une direction précise à la recherche d’un but donné, dont la position géographique est précise, mais qui reste intellectuellement ouvert. Sur le plan physique, une procession est une marche menant à une destination, mais en tant que mouvement intérieur, elle se poursuit pour l’éternité. Dans une certaine mesure, elle a conduit Poppe vers l’infini, jusqu’ici un point inconnu dans ses compositions : "Quelque chose s’est passé ici, d’une manière que je n’ai jamais écrite auparavant."
On pourrait spéculer sur ce que cela signifie et ce que désigne ce grand mouvement de Prozession. En tant qu’auditeurs, nous le vivons comme un mouvement dont les vagues sont de plus en plus hautes et puissantes. De l’extérieur, un apogée rempli d’énergie, d’accélération et de dynamiques est atteint dès le sixième acte, mais au lieu de s’amoindrir ensuite petit à petit, le processus d’intensification se réoriente vers l’intérieur. Les contours disparaissent en même temps que notre sens des grandeurs. Du point de vue du rythme, même les dernières traces d’un battement se perdent et il est difficile de se retenir à quoi que ce soit pour ce qui est de l’harmonie des cordes, dont la microtonalité est comprimée : nous ne pouvons plus rien comprendre.
Cette désorientation totale est loin d’être catastrophique, mais elle apparaît plutôt comme la promesse d’une liberté et d’un bonheur sans bornes. "À un certain moment, tout va bien. Plus rien ne va mal."
Extrait des notes de programme de Raoul Mörchen.
Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’Ensemble Musikfabrik.