Biographie

Emmanuel NUNES

Oeuvre(s)

" Das Märchen (Le conte dit Serpent vert) "

Opéra

Editions Ricordi München

Emmanuel Nunes étudie l’harmonie et le contrepoint entre 1959 et 1963 à l’Académie de musique de Lisbonne avec Francine Benoît. De 1961 à 1963, il suit aussi des cours de philologie germanique et de philosophie grecque à l’Université de Lisbonne.

Aux cours d’été de Darmstadt, qu’il suit de 1963 à 1965, il est particulièrement marqué par les cours de composition de Henri Pousseur et de Pierre Boulez.

Se fixant à Paris en 1964, il étudie seul dans le but d’aller travailler avec Karlheinz Stockhausen à Cologne, ce qu’il fait à partir de l’année suivante et pour 2 ans (cours à la Rheinische Musikhochschule avec Stockhausen, mais aussi Pousseur pour la composition, Jaap Spek pour la musique électronique, Georg Heike pour la phonétique).

L’analyse des Momente par Stockhausen lui-même fut vécue par Nunes comme l’« étape la plus importante de sa première initiation à la composition ».

Obtenant en 1971 un premier prix en esthétique musicale avec Marcel Beaufïls au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il entreprend un travail de doctorat sur Webern qu’il abandonne finalement 2 ans plus tard. Il est boursier du ministère de l’Éducation nationale du Portugal en 1973-1974 et de la Fondation Gulbenkian en 1976-1977.

Il est invité par le Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD) de Berlin comme compositeur en résidence en 1978-1979. Il obtient la Bourse de la création du ministère français de la Culture en 1980. Il enseigne la composition, à partir de 1981, à la Fondation Calouste Gulbenkian, à Lisbonne, puis à la Hochschule für Musik de Fribourg de 1986 à 1992. Emmanuel Nunes est nommé professeur de composition au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1992. Il a également exercé des activités pédagogiques à l’Université de Harvard, à l’Ircam, aux cours d’été de Darmstadt, à la Civica Scuola di Musica de Milan et à l’Icons de Novara (Italie).

Plusieurs de ses oeuvres ont fait l’objet d’une commande de la Fondation Calouste Gulbenkian, de Radio France, du ministère français de la Culture et ont été jouées lors d’importants festivals internationaux et retransmises par les grandes radios européennes.

Elles sont éditées par Jobert et Ricordi, et abordent divers genres : du solo instrumental (Litanies du feu et de la mer I et II pour piano, Aura pour flûte seule) aux grands ensembles (Quodlibet pour 28 instruments, 6 percussionnistes et orchestre, Machina Mundi pour 4 instruments solistes, choeur, orchestre et bande magnétique). L’Ensemble intercontemporain a enregistré les Lichtung I et II en 2001, parus en 2003 chez Accord. En 1999, Emmanuel Nunes obtient le Prix Cim - Unesco, et en décembre 2000, le prestigieux Prix Pessoa.

En 2007 est créé le cycle complet des Lichtung I-III au Festival de Musique de Berlin avec la musikFabrik Cologne. Le Festival Musica de Strasbourg consacre également la même année une rétrospective de la musique de Nunes. En janvier 2008, c’est la première mondiale à Lisbonne à l’Opera National de S. Carlos de la 1ere œuvre lyrique de Nunes « Das Märchen [Le Conte, dit le Serpent vert] » d’après Johann Wolfgang von Goethe.

NOTICE

Cadre et Personnages

Le décor de l'intrigue du Das Märchen (Le Conte) est constitué par un large fleuve séparant deux rives complètement différentes qui, au début du récit, ne sont reliées par aucun pont fixe.

D'un côté se trouvent le palais, le jardin et le lac de la belle Lilia, personnage qui est le point vers lequel tous convergent. Sur l'autre rive se trouvent le temple souterrain caché sous la montagne, la cabane et le jardin de l'Homme (le Vieux) à la Lampe et de sa femme (la Vieille), ainsi que le marais situé àproximité du gouffre où sommeille le Serpent Vert.

Dans le Palais de la Belle Lilia vivent trois demoiselles de compagnie. Celles-ci correspondent aux trois statues se trouvant dans le temple souterrain de l'autre rive et qui représentent les trois rois (le Roi d'Or, le Roi d'Argent et le Roi de Bronze). Une quatrième statue, celle du Roi Marbré, est faite d'un alliage fort imparfait d'or, d'argent et de bronze). La belle Lilia possède un Canari et la Vieille un chien domestique appelé Mops. Du côté de chez la Belle Lilia vit également le Passeur, qui fait passer les voyageurs de l'autre côté du fleuve mais qui ne peut prendre personne dans l'autre sens.

Sur l'autre rive habite le Géant, sur l'ombre duquel il est possible de traverser dans les deux sens, maisseulement au coucher du soleil. Le seulfranchissement matériel possible dans les deux sensest constitué par le Serpent Vert, qui se transforme momentanément en pont à midi. Le jeune Prince – unadolescent - n'est plus qu'une «ombre errante»qui a perdu ses enseignes et déambule d'une berge àl'autre sans jamais trouver de repos. Finalement, lesdeux Feux Follets, agités et Impertinents, sèment despièces d'or partout où ils passent, et l'Autour, rapaceen arrière-plan, n'apparait qu'aux moments décisifs du récit.

Tous ces personnages vivent sous l'emprise d'un sort énigmatique et mystérieux qui les empêche « d’être » pleinement. Tous vivent dans l'attente d'un changement dont ils ont déjà tous entendu parler, mais duquel ils ne savent ni quand ni comment il adviendra. L’Homme à la Lampe connait toute la marche à suivre et tous les rites à observer le moment venu, mais il ignore quand surviendra le changement. Tout au long de l'intrigue de Das Märchen, tous les personnages sont amenés à changer ou àsetransformer, à dépasser le mauvais sort qui les frappe en acquérant des qualités nouvelles ou renouvelées, de manière à vivre une existence libre et épanouie.

Das Märchen, dans sa trame d'ensemble, s'articule autour d'une dramaturgie précise et méthodique. Celle-ci décrit lentement un changement, une évolution qui prend naissance dans un état origineldominé par le désordre, la tension et l'imperfection, qui culmine en un moment névralgique de crise aigue,et qui se résout grâce à la fondation d'un nouvel ordre, fait d'harmonie et de perfection universelles.

Synopsis

Prologue - L'imagination

Au cours du prologue sont récitées seize phrases de Goethe. Celles-ci ne font pas partie du conte DasMärchen. Elles abordent le thème du pouvoir del'imagination, sa capacité à engendrer des œuvresd'art et la manière dont elle le lait, et elles évoquentaussi le caractère ouvert et la teneur potentiellementillimitée du conte merveilleux qui va suivre.

Acte 1 - Le Jeu des Éléments

Scène l - les Feux Follets

Tableau l - Le Passeur / L'Errance

L'intrigue commence en pleine nuit, dans la cabane du Passeur, sur la rive du fleuve où demeure la Belle Lilia,alors que le Passeur est réveillé par deux Feux Follets qui veulent se rendre sur l'autre rive. Traversée du fleuve. Arrivés sur l'autre rive, les Feux follets sesecouent et laissent tomber de nombreuses pièces d'or au fond de la barque. Le Passeur, qui ne peut accepter d'or en paiement, exige d'eux un salaire qui doit provenir des fruits de /a terre (trois choux. Trois artichauts et trois oignons). Il descend ensuite en aval le fleuve pour cacher l'or en lieu sûr, à l'abri des eaux.

Tableau 2 - Le Serpent

Arrivé dans un endroit escarpé, le Passeur Jette l'or au fond d'une profonde crevasse, Or, au fond de cet abîme sommeille le Serpent Vert. Celui-ci se réveille et avale goulûment les pièces d'or. Il en devient transparent et luminescent, Il sort de son gouffre en cherchant d'où peut bien provenir cet or et, après avoir beaucoupcherché, Il rencontre les Feux Follets près d'un marais.

Tableau 3 - L'Or

Conversation entre les Feux Follets et le Serpent Vert dans le marais, Le Serpent les informe que la belle Lilia, à qui ils veulent rendre visite, demeure sur l'autre rive. Les Feux Follets se rendent compte de leur méprise et veulent rebrousser chemin. Description des trois façons de traverser le fleuve. Les Feux Follets prennent congé.

Scène 2 - Les Secrets de la Terre

Tableau 1- Dans les interstices des rochers

A nouveau seul, le Serpent Vert se faufile par des interstices jusqu'au temple souterrain. On voit letemple et les statues des quatre rois. Dialogue avec leRoi d'Or.

Tableau 2 - l'Homme à la lampe

Apparition de l'Homme à la Lampe dans le sanctuaire souterrain. Les quatre rois, qui veulent chacun connaître leur avenir, lui posent des questions. L'Homme à la Lampe connaît trois secrets, mais en ignore un quatrième. Le Serpent lui siffle quelques mots à l'oreilleet l'Homme à la Lampe crie d'une voix retentissante :«Le temps est venu ». Le temple souterrain résonne et les statues en métal vibrent à leur tour. Le Serpent part vers l'est, et l'Homme à la Lampe, traversant sans effort le massif rocheux, se rend vers l'ouest, vers sa cabane construite au pied de la montagne.

Scène 3 - Les deux Rives

Tableau l - La Vieille

La cabane de l'Homme à la Lampe et de la Vieille. La Vieille est bouleversée. Alors que son mari était absent, la Vieille a reçu la visite des Feux Follets : ceux-ci ont mangé l'or des murs de la cabane et provoqué la mort du petit chien Mops, non sans exiger d'elle qu'elle règle la dette qu'ils doivent encore au Passeur.L'Homme à la Lampe transmute le corps du chien en onyx et, de sa lampe magique, recouvre d'or les murs de la cabane. Obéissant aux ordres de son mari, dès l'aube du matin suivant, la Vieille se met en route pour donner au Passeur les fruits de la terre et offrir le chien à la Belle Lilia afin que celle-ci lui rende la vie etle garde.

[Parallèlement à l'action principale, dans son palais, début de la Chanson du Matin de la Belle Lilia]

Tableau 2 - Les Fruits de la terre / le Géant / Le Fleuve

La Vieille chemine lentement vers le fleuve, ralentie par le poids du panier qu'elle porte sur la tête. Elle rencontre l'Ombre du Géant, qui lui vole un chou, un artichaut et un oignon. Elle attend longuement le Passeur.Finalement, celui-ci arrive dans sa barque, dans laquelle iI est en train de faire passer le jeune Prince. Discussion entre la Vieille et la Passeur : celui-ci n'acceptera sonpaiement, qui n'est pas complet, que contre son engagement personnel à régler le solde de la dette dans les prochaines vingt-quatre heures. En signe d'accord, la Vieille doit plonger sa main dans l'eau du fleuve. Celle-cien ressort noire et toute rabougrie. Le Passeur la laissepartir. La Vieille, dont le panier se met à présent à léviter,commence à converser avec le jeune Prince.

[Parallèlement à l'action principale, suite de la Chanson du Matin de la Belle Lilia]

Tableau 3 - La Vieille et le jeune homme

Dialogue entre la Vieille et le Prince. Celui-ci, qui ne se voit plus que comme une « Ombre Errante »se rend également au Palais de la Belle Lilia. Ils décident donc de faire ensemble le chemin qui les sépare encore du pont de midi.

[Parallèlement à l'action principale, suite de la Chanson du Matin de la Belle Lilia]

Tableau 4 - La Traversée

A midi, la Vieille, le jeune Prince et les Feux Follets (qui sont Invisibles à cette heure de la journée) franchissent le fleuve sur le dos du Serpent Vert qui s'est momentanément transformé en pont de pierres précieuses. Tous se retrouvent à présent sur la rive de la Belle Lilia - la Vieille et son chien en onyx, le Prince, le Serpent Vert et les deux Feux Follets.

[Parallèlement a l'action principale, fin de la Chanson du Matin de la Belle Lilia]

Acte II- Les Métamorphoses

Scène 1 - Le Bannissement

Tableau 1- La Belle Lilia

La Vieille, le Prince et le Serpent Vert arrivent dans le jardin de la Belle Lilia. On entend sa Chanson du Matin.

Dialogue entre le Vieille et la Belle Lilia. On apprend que le Canari de la Belle Lilia est mort le matin même :il s'est réfugié contre son sein après avoir pris peur envoyant un Autour. Or, la Belle Lilia possède d'étranges pouvoirs : elle tue tout être vivant qu'elle touche, elle ramène à la vie les êtres changés en pierre et son regard affaiblit tous ceux sur lesquels Il se pose.

Le chien est offert à la belle Lilia, qui perçoit plusieurs signes avant-coureurs de l'avènement d'une èrenouvelle. Cependant, il manque encore le plusimportant : le temple près du fleuve et le pont stable.

Tableau 2 - Le Prince et la Belle Lilia

Le Serpent affirme que la prophétie du pont est accomplie et qu'iI a déjà vu le temple dans la terre.La Belle Lilia ne considère pas que la prophétie se soitréalisée. La Vieille et la Belle Lilia échangent leurs animaux (le Canari et Mops). Le Serpent répète les mots «le temps est venu». La Belle Lilia rend la vie au chien Mops et joue avec lui. Le Prince, en voyant la Belle Lilia donner un baiser au chien Mops, décide demourir et se précipite dans ses bras. Mort du Prince.

Tableau 3 - Le Cercle

Le Serpent Vert s'enroule en un cercle magique autour du corps du Prince, afin d'empêcher qu'II ne sedécompose. La Belle Lilia est glacée d'épouvante, maisne pleure pas encore. Ses trois dames de compagnietentent de la réconforter. La Belle Lilia aperçoit son reflet dans un miroir et se met alors à pleurer.

Scène 2 - Le Temps

Tableau 1 - Le Danger / La Menace

Le crépuscule approche. Le corps du Prince entrera en putréfaction quand il commencera à faire noir. La Vieille se met à la recherche des Feux Follets pour que ceux-ci passent sur l'autre rive et appellent l'Homme à la Lampe, seule personne qui puisse sauver le Prince et, avec lui, tous les autres. Inquiétude et anxiété de tous. Le Serpent Vert regarde tout autour de lui, àla recherche de quelque présage favorable.

Tableau 2 - L'Alliance

Le Serpent aperçoit l'Autour rouge et pourpre dans le haut du ciel. Arrivée de l'Homme à la Lampe. Il est soudain minuit, sans que personne ne sache comment.L'Homme à la Lampe distribue ses instructions à tous età chacun. Unis en un énigmatique rituel, tous s'exécutent. Les trois dames de compagnie de la Belle Lilia s'endorment.

Tableau 3 - Le Premier cortège / le Pont

Un cortège se forme, composé des personnages suivants : Le Serpent Vert, les Feux Follets, la Vieille,qui porte les corps du Prince et du Canari dans sonpanier en lévitation, la Belle Lilia, avec le chien Mopsdans ses bras et, finalement, l'Homme à la Lampe.Le Serpent se transforme en un pont lumineux resplendissant grâce auquel le cortège peut franchir le fleuve. De loin, le Passeur observe cette traversée.

Tableau 4 - La Sacrifice / la Résurrection

La traversée s'achève. Tous sont au pied du temple souterrain. Le Serpent Vert décide de se sacrifier avant qu'on ne le sacrifie. De sa main gauche, la BelleLilia touche le Serpent et de la droite, son Prince bien-aimé. Le Prince et le Canari reprennent vie en mêmetemps, alors que le Serpent se désintègre en desmilliers de pierres précieuses qui sont recueillies dansle panier de la Vieille et ensuite jetées dans l'eau dufleuve,

Scène 3 - Le Pont Promis

Tableau 1 - Le deuxième Cortège / La Fissure / Le Temple

Un second cortège sa constitue, formé des personnages suivants ; l'Homme à la Lampe, le Prince, la Belle Lilia. la Vieille et les Feux Follets. Passant entre les rochers, ce cortège se dirige vers le temple souterrain. Les Feux Follets ouvrent de leurs flammes le cadenas d'or qui verrouille la grande porte en bronze du temple. On voit les statues des Rois.

Tableau 2 - Sous le Fleuve / Le Voyage

Dialogue avec les quatre rois. Le temps du changement est définitivement arrivé. le temple se déplace en semouvant à travers les rochers, en un voyage qui passesous le fleuve, jusqu'à sa destination finale: l'autre rive.La cabane du Passeur devient l'autel d'un temple. C'estdéjà le matin, Le jeune Prince est couronné Roi et on faitla louange des trois pouvoirs - Sagesse, Apparence etForce - auxquels s'ajoute l’Amour, qui ne gouverne pas,mais qui instruit.

Tableau 3 - l'Apothéose

Le temple définitif, la place et le pont sont achevés. Le Prince (le nouveau Roi) se marie avec la Belle Lilia. Les demoiselles de compagnie reparaissent avec laVieille, qui a rajeuni. Celle-ci renouvelle ses voeux de mariage avec l'Homme à la Lampe, qui a entre temps été nommé conseiller du jeune souverain. Les pierres précieuses, dépouille du Serpent Vert, s'agencententre elles en formant un pont éternel qui relie les deux rives du fleuve en un flux de circulation animée. Le Géant apparait une dernière fois avant d'être métamorphosé en statue-cadran solaire. Les Feux Follets s'amusent à jeter des pièces d'or reluisantes sur la place du temple, en riant de l'avidité avec laquelle se ruent sur l'or les milliers de gens qui traversent ce pont magnifique.

" Lichtung III "

Pour ensemble et électronique

Editions BMG Ricordi

(Lisbonne, 1941)


Emmanuel Nunes étudie l’harmonie et le contrepoint entre 1959 et 1963 à l’Académie de musique de Lisbonne avec Francine Benoît De 1961 à 1963, il suit aussi des cours de philologie germanique et de philosophie grecque à 1’Université de Lisbonne.


Aux cours d’été de Darmstadt, qu’il suit de 1963 à 1965, il est particulièrement marqué par les cours de composition de Henri Pousseur et de Pierre Boulez.


Se fixant à Paris en 1964, il étudie seul dans le but d’aller travailler avec Karlheinz Stockhausen à Cologne, ce qu’il fait à partir de l’année suivante et pour 2 ans (cours à la Rheinische Musikhochschule avec Stockhausen, mais aussi Pousseur pour la composition, Jaap Spek pour la musique électronique, Georg Heike pour la phonétique).


L’analyse des Momente par Stockhausen lui-même fut vécue par Nunes comme 1’« étape la plus importante de sa première initiation à la composition ».


Obtenant en 1971 un premier prix en esthétique musicale avec Marcel Beaufïls au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il entreprend un travail de doctorat sur Webern qu’il abandonne finalement 2 ans plus tard. Il est boursier du ministère de l’Éducation nationale du Portugal en 1973-1974 et de la Fondation Gulbenkian en 1976-1977.


Il est invité par le Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD) de Berlin comme compositeur en résidence en 1978-1979. Il obtient la Bourse de la création du ministère français de la Culture en 1980. Il enseigne la composition, à partir de 1981, à la Fondation Calouste Gulbenkian, à Lisbonne, puis à la Hochschule fu?r Musik de Fribourg de 1986 à 1992. Emmanuel Nunes est nommé professeur de composition au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1992. Il a également exercé des activités pédagogiques à l’Université de Harvard, à l’Ircam, aux cours d’été de Darmstadt, à la Civica Scuola di Musica de Milan et à l’Icons de Novara (Italie).


Plusieurs de ses oeuvres ont fait l’objet d’une commande de la Fondation Calouste Gulbenkian, de Radio France, du ministère français de la Culture, et ont été jouées lors d’importants festivals internationaux et retransmises par les grandes radios européennes.


Elles sont éditées par Jobert et Ricordi, et abordent divers genres : du solo instrumental (Litanies du feu et de la mer I et II pour piano, Aura pour flûte seule) aux grands ensembles (Quodlibet pour 28 instruments, 6 percussionnistes et orchestre, Machina Mundi pour 4 instruments solistes, choeur, orchestre et bande magnétique). L’Ensemble intercontemporain a enregistré les Lichtung I et II en 2001, parus en 2003 chez Accord. En 1999, Emmanuel Nunes obtient le Prix Cim - Unesco, et en décembre 2000, le prestigieux Prix Pessoa.

2007 : Création des pièces « Lichtung I-III » au Festival de Musique de Berlin avec la musikFabrik Cologne (Crèation mondiale du cycle entier). Le point fort du Festival Musica de Strasbourg fut une rétrospective de la musique de Nunes.


Janvier 2008 : Première mondiale à Lisbonne à l’Opera National de S. Carlos de la 1ere œuvre lyrique de Nunes « Das Märchen [Le Conte, dit le Serpent vert] » d’après Johann Wolfgang von Goethe.

 

NOTICE


En allemand, Lichtung désigne la clairière, ouverte à la lumière, l’éclaircie, la trouée – le mot, parfois, est traduit par allégie, selon une étymologie l’apparentant davantage à leicht, léger, qu’à licht, clair, lumineux. Lichten signifie aussi décimer, et den Anker lichten, lever l’ancre. L’émondage, l’arbre abattu, élagué, donne lumière à la forêt. Nunes se remémore la clairière latine, porteuse de la clarté, là où, comme le rappelle le Littré, « les arbres ne sont point si touffus » qu’ailleurs, et le bois sacré, lucus, si proche en sa phonation de la lux et du lucere, luire, briller, éclairer. « Nulli est certa domus, lucis habitamus opacis », écrit Virgile dans L’Énéide (VI, 673) : « Personne n’a de demeure fixe ; nous habitons dans les bois sacrés opaques. »


Si Lichtung I apparaît aujourd’hui comme une oeuvre autonome, les deux volets suivants constituent un diptyque. Présentant morphologiquement un développement horizontal, oeuvrant essentiellement sur le contrepoint et la mélodie, Lichtung III constitue probablement la dernière pièce d’un gigantesque cycle, La Création, qui s’est ouvert en 1977.
Une grande part de l’oeuvre de Nunes se divise en effet en deux cycles.


Dans le premier, sans titre, quatre notes, sol, sol dièse, mi et la, apparaissent comme le « subconscient harmonique sous-jacent à toutes les pièces », à neuf compositions datant de 1973 à 1983. Nachtmusik I fut la charnière entre les deux cycles, négative par rapport au premier, positive par rapport au second, morendo adossé à l’absence de ces quatre notes. Nunes en résumait l’enjeu en ces termes : « Que se passe-t-il lorsque l’on a des périodicités qui se superposent de manière cyclique ? » Il forge alors la technique des paires rythmiques, qui décrit deux objets au moyen de leur plus petit commun multiple et qui s’applique, dans Lichtung II, plutôt à la spatialisation, et dans Lichtung III, à la durée des parties et à l’élaboration informatique.


La diffusion des deux oeuvres s’appuie sur l’expérience essentielle, « en espace réel », que Nunes a retenue depuis son dernier concert, en 1996, dans la grande salle de la Cité de la musique. De plus, une spatialisation assistée par ordinateur en temps réel explore des situations de jeux extrêmes. Indissociable du rythme, du timbre, donc de l’enveloppe optimisant le sens de la moindre attaque, mais aussi, à l’évidence, de la réverbération de la salle de concert, de la propagation du son, de sa localisation et de sa directionnalité, l’espace lit le son, qui le dévoile en retour. Selon Alain Bioteau, la segmentation des parcours, des pleins et des déliés au sein d’une figure en mouvement, l’utilisation du cercle, les jeux de kaléidoscope et les pulsations régulières sur des trajectoires courtes constituent les modèles de sa virtuosité spatiale. L’informatique y contribue, non comme surplus, non comme bigarrure extérieure, mais comme auscultation de l’écriture instrumentale, en tissant avec celle-ci un strict contrepoint. Un tel espace naît avant tout d’une distance, d’un essentiel éloignement.

Laurent Feneyrou