Biographie

Christophe BERTRAND

Oeuvre(s)

" Kamenaia "

pour ensemble vocal (12 voix)

Editions Suvini Zerboni

Après les médailles d'or de piano et de musique de chambre du C.N.R. de Strasbourg (classes de Laurent Cabasso, Michèle Renoul, Armand Angster), il se produit au sein de l'Ensemble Accroche Note ou l'Ensemble In Extremis dont il est co-fondateur. Il y collabore avec des compositeurs comme Pascal Dusapin, Michael Jarrell, Mark Andre, Wolfgang Rihm, etc.

Il étudie la composition dès 1996 avec Ivan Fedele au C.N.R. de Strasbourg, et obtient en 2000 le diplôme de composition "à l'unanimité avec les félicitations du jury". La même année, le Festival Musica lui consacre un concert, et il participe au Cursus annuel de composition et d'informatique musicale 2000-2001 de l'IRCAM, où il travaille notamment avec Philippe Hurel, Tristan Murail, Brian Ferneyhough, et Jonathan Harvey.

Ses pièces, dirigées entre autres par Pierre Boulez, Jonathan Nott, Hannu Lintu, Marc Albrecht, Pascal Rophé, Guillaume Bourgogne, sont interprétées par de prestigieux ensembles et solistes :

Ensemble Intercontemporain, Orchestre Philharmonique de Radio-France, Quatuor Arditti, Accroche Note, Ensemble Court-Circuit, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Ensemble Aleph, Lucerne Festival Academy Orchestra, Ensemble Intégrales, Divertimento Ensemble, Ensemble Musicatreize, Quatuor Mandelring, Avanti!, entre autres ; Garth Knox, Irvine ArdittiI, Hidéki Nagano, Juliette Hurel, Jean-Marie Cottet, Jérôme Comte, Claire-Marie Le Guay, Marc Coppey, Jan Michiels, Ilya Gringolts, Sébastien Vichard, Ferenc Vizi, etc.

Elles ont pu être entendues : ??

- en France : FestivalMusica, Ircam, Festivald'Aix-en-Provence, Festival Agora, Centre Georges Pompidou, Salle Olivier Messiaen de la Maison de Radio-France, Festival des Serres d'Auteuil, etc. ?

- en Allemagne : Beethovenfest Bonn, Ultraschall-Festival à Berlin, Internationale Ferienkurse de Darmstadt, Mitteldeutscher Rundfunk, Opéra de Hambourg?

- en Suisse : Festival de Lucerne ?

- en Belgique : Festival Ars Musica à Bruxelles?

- en Italie : Villa Medicis, La Fenice à Venise, Festival Suona Francese, Festival Traiettorie à Parme, Rondo-Milano, Spoleto Festival, Pontino Festival?

- en Hollande : Concertgebouw d'Amsterdam, Festival Gaudeamus ?

- mais aussi aux Etats-Unis (San Francisco), en Angleterre (Manchester), etc. ainsi que sur diverses radios françaises (France Musique) et étrangères.

Il reçoit entre autres des commandes de l'Ensemble Intercontemporain, le Festival de Lucerne, le Festival d'Aix-en-Provence, le Beethovenfest de Bonn, Les Percussions de Strasbourg, l'Auditorium du Louvre, la Fondation André Boucourechliev, Les Musicales de Colmar, la Radio de Berlin, l'Etat français, Accroche Note, l'Ensemble Musicatreize, ainsi que de plusieurs mécènes privés.

Il obtient en 2001 le Prix de la Musique de l'Académie des Marches de l'Est, ainsi que la Mention d'Honneur du Festival Gaudeamus et le PrixEarplay 2002.

En juin 2007, il est lauréat du Prix Hervé DUGARDIN de la SACEM, ainsi que du Prix André CAPLET de l'Académie des Beaux-Arts (Institut de France).?Il est pensionnaire à la Villa Médicis en 2008/2009.

Source : site internet de Christophe Bertrand http://chr.bertrand.free.fr

 

NOTICE

Pour Kamenaia, j’ai choisi de m’inspirer d’un tableau de Jean Dubuffet, « Vénus du trottoir » en y associant un texte de Pierre Jean Jouve. Les rapports entre les deux œuvres est plus prégnant qu’il n’y paraît à première vue.

 

L’Art Brut initié par Jean Dubuffet était un courant très hétéroclite, qui regroupait des créateurs pratiquant un art spontané, hors des chapelles, et souvent sans aucune formation artistique (le Facteur Cheval, par exemple). Les œuvres les plus emblématiques de ce courant étaient fréquemment réalisées par des patients atteints de maladies psychiatriques (on pense bien sûr immédiatement à Adolf Wölfli ou plus récemment au « Plancher de Jeannot ») ; c’est d’ailleurs en parcourant les asiles psychiatriques, que Dubuffet constituera une conséquente collection dont les auteurs « tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fonds et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode ».

 

C’est en cela, à mon sens, que Pierre Jean Jouve se rapproche de l’Art Brut : tirer de son propre fond. Car Jouve, qui a épousé la psychanalyste Blanche Reverchon, a beaucoup utilisé l’écriture automatique à la façon de l’association libre pour élaborer sa poésie. C’est donc l’exploration de son inconscient, sa vie intérieure, associée à sa propre inventivité, sa spiritualité et son goût pour l’onirisme qui a irradié l’essentiel de son œuvre ; je vois en cela une attitude assez proche du surréalisme même si Jouve y était farouchement hostile (il y voyait une « exploitation publicitaire de l’inconscient », un « snobisme de la folie » : pourtant, certains surréalistes n’ont-ils pas absorbé des toxiques, utilisé le hasard, l’hypnose pour libérer leur imaginaire et accéder à leur inconscient ?

 

La femme chez Jouve est un thème récurrent (Paulina 1880, Lulu, Hélène, Catherine Crachat, etc.) et je me suis aperçu que dans toutes mes pièces vocales, le thème de la femme et de l’amour était présent (Strofa II, Madrigal, Iôa) ; et c’est absolument sans y penser que j’ai choisi spontanément le tableau de Dubuffet, cette représentation de femme : belle manifestation de l’inconscient ! J’ai donc décidé d’utiliser par association le texte « Phénix (II) » tiré du recueil Mélodrame (1956-1958), magnifique ode à la sensualité, à la femme et à la chair pour accompagner le tableau et en tirer une œuvre musicale.

Si je suis dans ton cœur écoute mes pensées?

Que ta main soit belle ta main droite?

Que ton sein soit blanc bleuté irisé de jaune, ton cœur gauche?

Avec sa pointe en mouvement de rose vieille??

Que ton ventre poli?

Soit doux amer?

Urne blonde pendue?

Sur ses grands cintres??

 

Que ton dos s'achève en montagnes triomphantes?

Par delà les vallées sans crainte?

Que la gravité de ta voix soit l'écho de l'odeur secrète?

Que le silence de tes cheveux se répande sur tes épaules pour faire dans une boucle se dérouler l'éternel.

 

Si de ce tableau de Dubuffet, fait de bitume incrusté de cailloux, d’éclats de verre, de poussières et de sable, émane une impression de granulosité, de rugosité et d’aspérité, la poésie de Jouve au contraire semble lisse, douce, toute en délicatesse, telle une enluminure, et à la sensation d’équilibre parfait d’un alexandrin. Ces deux états de matière trouvent aisément un prolongement musical : staccato/legato, micro-polyphonie/statisme, ou encore infrachromatisme/diatonisme. Dualisme aussi entre l'idée et la réalisation ; la première tenant de l'inconscient pur (une écriture quasi automatique), sa réalisation, de l'intellect absolu, proche d'une certaine forme de structuralisme.

Dualisme, donc, d'une part ; mais aussi trialisme. Chacune des trois parties de l'oeuvre, correspondant aux trois parties du poème, et proportionnée selon le modèle du Haïku (5-7-5) est subdivisée en trois sous-sections (avec les mêmes proportions), selon un paradigme fractal. Les processus mis en oeuvre observent ce même rapport trial :

Première section : liquéfaction / dépolarisation / cristallisation?

Deuxième section : apparition / dislocation / ascension harmonique?

Troisième section : crépitement / stratification, ralentissement / étalement

Cette pièce est en perpétuelle transformation : quand elle n'est pas dynamique (grands crescendos massiques), elle est harmonique (tierce « emplie » infrachromatiquement vers empilement de tierces) ; quand elle ne tient pas du caractère (poco a poco liquido, poco a poco viscoso e molle, elle est rythmique (accélérations ou décélérations au sein d'un tempo unique et invariable).

Le texte est traité de différentes manières ; hormis à la toute fin, où la dernière phrase du poème est clairement compréhensible, les mots sont matière : ils colorent les sons musicaux, et sont eux-mêmes sons. Dans les passages micropolyphoniques, les sons musicaux étant indifférenciés, ce sont les mots qui donnent la coloration à la musique (le passage initial, par exemple), telles les aspérités de Dubuffet.

Enfin, concernant le titre, il faut savoir que « Vénus du trottoir » n’est pas celui que Dubuffet a donné à son tableau, mais celui que l’écrivain Georges Limbour et ami du peintre lui a attribué, Dubuffet ayant, lui, intitulé son tableau « Kamenaia-Baba ». Je me suis permis de l'emprunter pour nommer cette pièce, hommage autant à la peinture intrigante de Dubuffet qu'aux mots sublimes de Jouve.

?© 2008 Christophe Bertrand

" Vertigo "

pour 2 pianos et orchestre

Editions Suvini Zerboni

Après les médailles d'or de piano et de musique de chambre du C.N.R. de Strasbourg (classes de Laurent Cabasso, Michèle Renoul, Armand Angster), il se produit au sein de l'Ensemble Accroche Note ou l'Ensemble In Extremis dont il est co-fondateur. Il y collabore avec des compositeurs comme Pascal Dusapin, Michael Jarrell, Mark Andre, Wolfgang Rihm, etc.

Il étudie la composition dès 1996 avec Ivan Fedele au C.N.R. de Strasbourg, et obtient en 2000 le diplôme de composition "à l'unanimité avec les félicitations du jury". La même année, le Festival Musica lui consacre un concert, et il participe au Cursus annuel de composition et d'informatique musicale 2000-2001 de l'IRCAM, où il travaille notamment avec Philippe Hurel, Tristan Murail, Brian Ferneyhough, et Jonathan Harvey.

Ses pièces, dirigées entre autres par Pierre Boulez, Jonathan Nott, Hannu Lintu, Marc Albrecht, Pascal Rophé, Guillaume Bourgogne, sont interprétées par de prestigieux ensembles et solistes :

Ensemble Intercontemporain, Orchestre Philharmonique de Radio-France, Quatuor Arditti, Accroche Note, Ensemble Court-Circuit, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Ensemble Aleph, Lucerne Festival Academy Orchestra, Ensemble Intégrales, Divertimento Ensemble, Ensemble Musicatreize, Quatuor Mandelring, Avanti!, entre autres ; Garth Knox, Irvine ArdittiI, Hidéki Nagano, Juliette Hurel, Jean-Marie Cottet, Jérôme Comte, Claire-Marie Le Guay, Marc Coppey, Jan Michiels, Ilya Gringolts, Sébastien Vichard, Ferenc Vizi, etc.

 

Elles ont pu être entendues : ??

- en France : FestivalMusica, Ircam, Festivald'Aix-en-Provence, Festival Agora, Centre Georges Pompidou, Salle Olivier Messiaen de la Maison de Radio-France, Festival des Serres d'Auteuil, etc. ?

- en Allemagne : Beethovenfest Bonn, Ultraschall-Festival à Berlin, Internationale Ferienkurse de Darmstadt, Mitteldeutscher Rundfunk, Opéra de Hambourg?

- en Suisse : Festival de Lucerne ?

- en Belgique : Festival Ars Musica à Bruxelles?

- en Italie : Villa Medicis, La Fenice à Venise, Festival Suona Francese, Festival Traiettorie à Parme, Rondo-Milano, Spoleto Festival, Pontino Festival?

- en Hollande : Concertgebouw d'Amsterdam, Festival Gaudeamus ?

- mais aussi aux Etats-Unis (San Francisco), en Angleterre (Manchester), etc. ainsi que sur diverses radios françaises (France Musique) et étrangères.

 

Il reçoit entre autres des commandes de l'Ensemble Intercontemporain, le Festival de Lucerne, le Festival d'Aix-en-Provence, le Beethovenfest de Bonn, Les Percussions de Strasbourg, l'Auditorium du Louvre, la Fondation André Boucourechliev, Les Musicales de Colmar, la Radio de Berlin, l'Etat français, Accroche Note, l'Ensemble Musicatreize, ainsi que de plusieurs mécènes privés.

Il obtient en 2001 le Prix de la Musique de l'Académie des Marches de l'Est, ainsi que la Mention d'Honneur du Festival Gaudeamus et le PrixEarplay 2002.

En juin 2007, il est lauréat du Prix Hervé DUGARDIN de la SACEM, ainsi que du Prix André CAPLET de l'Académie des Beaux-Arts (Institut de France).?Il est pensionnaire à la Villa Médicis en 2008/2009.

Source : site internet de Christophe Bertrand http://chr.bertrand.free.fr

 

Vertigo est une pièce écrite pour deux pianos et un grand orchestre de 83 musiciens. Elle m'a été commandée par le Festival Musica et l'Etat français.

Vertigo (dont le titre sera expliqué un peu plus loin) représente ma première confrontation à ce que je pourrais appeler la grande forme. En effet, la pièce la plus longue que j'avais écrite jusqu'à présent était mon Quatuor, qui durait près de vingt minutes, mais constitué d'une mosaïque de onze courts mouvements. Cette fois-ci, l'enjeu formel était de taille : écrire une pièce de vingt minutes pour deux pianos et grand orchestre en un seul tenant (relevant d'une certaine gageure pour moi, affectionnant d'ordinaire les formes relativement courtes). Il va sans dire que les préoccupations architecturales et surtout perceptives ont été un enjeu central de la composition de cette pièce.

Évidemment, un seul tenant n'implique pas un bloc monolithique ; Vertigo est structuré en onze sections proportionnées selon la suite de Fibonacci (en miroir) : 1 - 2 - 3 - 5 - 8 - 13 - 8 - 5 - 3 - 2 - 1, ce qui implique des sections allant de 23" à 306" (cette section centrale, trop longue en rapport avec les autres, est du coup elle même subdivisée en cinq sections selon les proportions 1 - 2 - 3 - 5 - 3 - 2 - 1) Toutes ces durées ne sont évidemment par perçues en tant que telles, mais confèrent une sensation d'équilibre à l'ensemble. Mon travail a été très centré sur la notion de perception, selon les questions : comment guider l'écoute ? comment donner une unité à l'ensemble? Plusieurs solutions ont donc été mises en oeuvre.

La réitération et la variation ont ainsi été inévitables : je vais prendre trois exemples. Au tout début de l'œuvre, certains instruments de l'orchestre (un cor, deux clarinettes à l'unisson, les altos, etc.) énoncent des tenues ff, droites, brutes, sans vibrato, presque "sales". Les deux pianos ont un rôle inhabituel de "résonateurs actifs" de l'orchestre : des motifs de triples croches très rapides suivant l'évolution harmonique déterminée par les entrées successives des strates orchestrales : ici leur rôle est très en retrait, totalement au second plan. Ces mêmes triples croches, dix minutes plus tard, réapparaîtront, mais plus en avant, surmontées d'une seule strate : les gammes d'harmoniques des cors. Il y a deux strates, deux plans. Enfin, vers la fin de la pièce, ces triples croches deviennent solistes, leur rôle est premier : c'est la troisième cadence de la pièce (seules quelques discrètes harmoniques naturelles des cordes et des cors décolorent les pianos).

Dans le même ordre d'idées, les flûtes, les hautbois et les clarinettes égrènent un arpège très aigu, constitué de deux septièmes diminuées séparées par un demi-ton. C'est un signal clair. Cette disposition non-octaviante sera de plus en plus présente au cours de l'œuvre, jusqu'à envahir complètement l'espace harmonique et orchestral lors de frénétiques tutti.

Enfin, un cluster strident des bois en quarts de tons, tenu dans le suraigu et dans la nuance ffff, intervient à deux reprises, de façon totalement identique : c'est un signal très prégnant, immédiatement reconnaissable.

Pour assurer une unité de l'ensemble, j'ai également utilisé un certains nombre d'harmonies, qui circulent tout au long de la pièce : ce sont par exemple la matrice do-réb-fa-sol (dans toutes les transpositions possibles) ; ou la superposition de deux septièmes de dominante dans l'espace d'une octave (à la couleur très diatonique et qui semble presque modale). Et une certaine nouveauté dans mon langage (comme le pendant de ce relatif diatonisme) : l'écriture en clusters, sous toutes ses formes (tenus, rythmiques, gammes clustérisées, parfois à l'extrême).

Mais par-dessus tout, c'est le rôle des pianos qui est prédominant dans l'unité de la pièce (car c'est bien un concerto !), et qui explique - en partie - le titre Vertigo. J'ai cherché à utiliser nombre de moyens de brouillage : la superposition de vitesses dans des registres similaires, le contrepoint de figures très proches harmoniquement et rythmiquement (comme il est possible de le faire sur les deux claviers d'un clavecin), et l'impureté induite par l'environnement microtonal (pour donner l'illusion que les pianos sont détempérés) ; cet environnement microtonal est d'ailleurs beaucoup issu des harmoniques naturelles des cordes et des cors. Il en résulte une sensation presque "éthylisée", brouillée, trouble, comme un reflet dans une eau en léger mouvement.

Comme le préfigurait l'orchestration de Mana, je requiers de l'orchestre une grande virtuosité instrumentale, toujours dans le même dessein d'obtenir une frénésie collective : comme un gigantesque ensemble de solistes, un orchestre très divisé (43 parties réelles ; à un moment 24 parties de violons), grande vitesse d'exécution, tempi extrêmes (jusqu'à 200 à la croche), tutti orgiaques. Je n'ai pas manqué de me souvenir de la lettre que m'a écrite Helmut Lachenmann, qui suggérait chez moi un peu plus "[d']écriture criminelle" ; j'espère y être parvenu par moments.

Enfin, la deuxième explication du titre est une référence au Scottie d'Hitchcock... car moi aussi j'ai peur du vide (du silence), et les vingt minutes de la pièce ne connaissent aucun répit, aucun temps mort. Pas de silences, pas de lenteur.

 

© 2007 Christophe Bertrand