Biographie

Louis ANDRIESSEN

Oeuvre(s)

" Mysteriën "

Pour orchestre

Boosey & Hawkes

SÉLECTION 2014

CREATION
03/11/2013 : Concertgebouw, Amsterdam. Par le Royal Concertgebouw Orchestra, dir. Mariss Jansons.

NOTICE
Louis Andriessen parle de sa nouvelle œuvre orchestrale, combinant réflexions spirituelles et matérielles.


Votre nouvelle œuvre orchestrale, Mysteriën, a grandi dans les écrits de dévotion de Thomas a Kempis. Comment en êtes-vous venu à ses textes?


C'est grâce à mon père qui avait une copie de L'Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis. Kempis a vécu la plupart de sa vie dans un monastère à Zwolle, non loin d'Utrecht où j'ai grandi, et ses écrits étaient importants pour mon père qui les plaça dans de nombreuses chansons. Une en particulier, dont je me souviens l’avoir entendu dans la maison alors petit enfant et qui a trouvé sa place dans Mysteriën, à vitesse moyenne, comme si c’était un aperçu d'un lointain souvenir.

Un côté mystique à votre musique, également entendu dans Hadewijch ou De Tijd, offre un contraste complet avec votre style incisif et dynamique. Où tirez-vous vos racines spirituelles?
Mon éducation familiale était intéressante et inhabituelle en ce qu'elle avait de combiner les principes catholiques traditionnels avec un monde artistique plus libéral. Pour illustrer cette interface, quand mon père a joué une improvisation à l'orgue, après la messe à Utrecht, beaucoup de croyants se sont levés et sont partis, tandis qu'une autre foule de mélomanes sont arrivés à l'église pour écouter. En ce qui concerne ma propre musique, le spirituel et la sérénité étaient toujours là comme au bord du rivage, mais en arrière position quand je protestais contre la mise en place de la musique classique, écrivant en plein air pour les musiciens tels que De Volharding – une lisse et belle musique qui n'aurait alors juste pas fonctionnée.

Avez-vous visualiser l'aspect philosophique de Thomas a Kempis comme plus important que le Chrétien?


Pour moi, la philosophie, le mysticisme ou le théâtre sont toutes des choses qui stimulent la créativité et fusionnent pour devenir assez proches - si leurs manifestations sont Hamlet, Médée ou la conception de Dieu. Ainsi, les idées du livre de Thomas a Kempis peuvent s'asseoir joyeusement aux côtés non seulement de saint Augustin, mais aussi des écrivains laïcs dans lesquels j'ai puisé tels que Platon et Lao-Tseu. Je vois les six mouvements de Mysteriën comme une séquence de fresques de même proportion, dans un cadre religieux, mais représentant des scènes matérielles, jusqu’au au point où le peintre introduit les gars qui ont construit l'église et commandité les œuvres d’art.


Comment avez-vous structuré Mysterien?


Chaque mouvement est dirigé par une inscription tirée des têtes de chapitre du livre de Thomas a Kempis et offre une interprétation musicale du titre. La première se penche sur les vanités du monde, avec des lignes musicales entrant en collision et illustrant à quel point nous pensons tous que nous sommes occupés. La deuxième examine la misère de l'humanité avec une litanie de cordes cassées. Le troisième est un appel au centre au silence pour explorer "quelle vérité parle de l'intérieur sans le bruit des mots», tandis que l'autre révèle le calvaire d'un véritable amant, en s'appuyant sur la chanson de mon père. Puis un mouvement oppose les cuivres lents aux cordes rapides, reflétant la contradiction perçue par Thomas a Kempis entre l'instinct naturel de faire de mauvaises choses et le don de la grâce de Dieu. Le sixième et dernier mouvement, débutant avec une triste lamentation de la mort par une trompette, offre quelque chose de l’ordre d’un épilogue cathartique.

Commandé pour le Royal Concertgebouw Orchestra, cela signifie que la paix est en bonne voie ? Vers 1960, vous protestiez contre la programmation Concertgebouw Orchestra !


J'ai toujours mes points de vue sur la scène politico-culturelle et le répertoire qui est programmé, mais le temps me semblait juste de composer pour le Concertgebouw. Joel Fried, le directeur artistique de l'orchestre, a insisté pendant trois ans pour avoir une œuvre pour le 125e anniversaire de la salle et de l'orchestre. J'ai commencé à réfléchir sur la relation complexe de l'orchestre avec les anciennes générations de compositeurs néerlandais, tels que Diepenbrock et Vermeulen ainsi que mon père, et comment la vie musicale était contrôlée par des chefs tels que Mengelberg. Il y a quelques années un roman de Erik Menkveld apparu sur Diepenbrock et Vermeulen intitulé Im Grossen Schweigen (Le Grand Silence), nommé d'après le réglage de la chanson de Diepenbrock par Nietzsche. Cela semblait lier les choses entre elles et m’offrir une voie à suivre. J'ai imaginé la voix de mon père me disant: “Louis, va de l'avant et écrit la pièce“.

L’œuvre emploie, de façon surprenante, un orchestre symphonique largement traditionnel.
Oui, l’"orchestre terrifiant du 21e siècle“ n’est pas à mon habitude, mais le Concertgebouw était modulable, avec un noyau de 26 musiciens et 8 ou 9 instruments supplémentaires. Cela m'a convaincu que je pouvais écrire une pièce en accord avec la tradition de l'orchestre, mais en restant fidèle à moi-même. J'ai employé un orchestre avec une demi-section de cordes ainsi que des couleurs supplémentaires sax soprano, clarinettes basses, trois harpes - dont l'une est désaccordée - deux pianos, et des plate chimes.

Le concert du Concertgebouw célèbre ses 125 ans, une période qui s'étend de Richard Strauss à votre propre création. De votre point de vue de compositeur, comment voyez-vous ce voyage orchestral ?


Une grande partie du répertoire romantique tardif ne m’attire pas. C'est seulement à partir de 1912 environ que je me reconnecte et que je comprends de nouveau les choses. Il reste de grands défis pour les orchestres. Certains sont toujours les mêmes, comme les crises économiques et la façon dont l'État se retire du financement des arts - il n'y a pas une réelle différence à cet égard entre les gangsters des années 1930 et ceux d'aujourd'hui. J'aspire à un avenir avec des orchestres aventureux, n'ayant pas peur des expériences musicales.
Interviewé par David Allenby, 2013

 

" La Commedia "

Opéra

Editions Boosey & Hawkes

Jeune prodige issu d'une famille de musiciens - son père Hendrik et son frère Juriaan sont également compositeurs – Louis Andriessen étudie avec Kees Van Baaren, au Conservatoire Royal de La Haye où il obtient en 1962 le premier prix de composition. Il poursuit ses études jusqu’en 1964 avec Luciano Berio à Milan puis à Berlin.

De retour en Hollande, il s'affirme rapidement comme une figure majeure de la musique de son pays tant par ses compositions que par l'interprétation de ses propres oeuvres et de celles d'autres compositeurs. Il fonde successivement 2 ensembles, De Volharding (1972) et Hoketus (1976). Engagé socialement, enseignant la composition au Conservatoire Royal, il contribue à un profond renouvellement de la musique hollandaise.

Après avoir expérimenté le sérialisme, la musique d'Andriessen se détache de l'avant-garde des années 1950, pour se référer plutôt au jazz, à Stravinsky, son grand modèle, au travail rythmique des répétitifs américains, et retrouver une harmonie consonante ou polytonale.

Il collabore à divers projets pluridisciplinaires telle que la pièce de théâtre “De Materie“, créée avec Robert Wilson pour le Netherlands Opéra, mais également avec Peter Greenaway, le film “M is for Man, Music, Mozart“, ainsi que l’adaptation théâtral de “Rosa : death of a Composer“ et “Writing to Vermeer“, créées respectivement en 1994 et 1999 au Netherlands Opera. Il collabore également au film “the New Math(s)“ (2000) du réalisateur américain Hal Hartley.

Parmi ses récentes commandes, citons “La Commedia“, un opéra sur des textes de Dante, créé par the Netherlands Opera au Festival de Hollande en juin 2008, et “The Hague Hacking“, pour 2 pianos et grand ensemble, créée par les Labèque Sisters et le Los Angeles Philharmonic dirigé par Esa-Pekka Salonen en janvier 2009.

Louis Andriessen célèbre en 2009 ses 70 ans.

Ses œuvres sont publiées chez Boosey & Hawkes

Sources : Boosey & Hawkes, wikipedia, Ircam (trad. NM)

 

NOTICE

Pour un soir, le Théâtre Carré d’Amsterdam incarne le Purgatoire. l’Ensemble Asko/Schoenberg, dirigé par Reinbert de Leeuw, joue la musique de Louis Andriessen pendant que les Travailleurs vaquent à leurs occupations en préparant les âmes pour leur éventuel transfert vers le paradis. Comme toute « multinationale » qui se respecte, le Purgatoire a de nombreux écrans vidéo sur lesquels, il garde un œil sur la Folie Humaine. Ce soir, le Purgatoire s’oriente vers deux jours particuliers à Amsterdam.

Synopsis? (sur scène)

Part I – La Ville de Dis, ou le Navire des imbéciles

L’œuvre s’ouvre avec un texte latin issu des premières pages de “Das Narrenschiff“,suivi d’une œuvre du 16ème siècle “The Guild of the Blue Barge“. Beatrice apparaît et raconte qu’elle a demandé à Virgil d’assister Dante dans sa quête vers l’éternité.

Deux hommes dans un bateau en route vers Dis, la Ville des flammes en Enfer. Ils voient des femmes déchainées hurlant sur les toits des tours enflammées et quelqu’un marche sur l’eau. Dante décide “J’étais convaincu qu’elle était envoyée par le paradis“.

Part II – Récit de l’Enfer

Dante relate une histoire drôle sur un des diables seniors, qui lui montre le chemin. Ce Malacoda donne à Dante une escorte de dix diables sans peur et sans crainte. Une marche musicale curieuse se fait entendre alors qu’ils avancent péniblement à travers l’Enfer.

Part III – Lucifer?

Une longue introduction instrumentale nous amène parmi les horreurs les plus profondes de l’enfer. Le chœur décrit Lucifer, qui finit par apparaître. Il est jaloux parce que Dieu a créé l’humanité à sa propre image. Il crie fort son désir de revanche et sa réjouissance.

Part IV – Le jardin des délices?

Dante rencontre son amie décédée Casella, une musicienne, qui chante un des sublimes sonnets de Dante. Dante chante une chanson sur un serpent terrifiant qui est chassé par d’énormes oiseaux, puis on l’aide à traverser la rivière Lethe c’est alors qu’il voit une procession d’une grande beauté. Dante est renversé par une voiture et meurt. Le chœur chante un texte tiré de “Song of Songs“ dédié à la Mariée de Lebanon.

Part V – Lumière éternelle?

Une lumière musicale, venant d’on ne sait où, est interrompue par un chœur d’enfants imprudent qui chante un texte du Requiem. Beatrice décrit cette lumière comme celle de l’amour. Sous un firmament étoilé, les deux femmes solistes se rejoignent. Dante chante les corps célestes et la musique des sphères, avant d’être interrompu par Cacciaguida, qui se plaint des Florentins. Le chœur et Beatrice chantent la lumière éternelle qui conquiert toute tristesse.

Synopsis? (à l’écran)

1)      La Cité Dis (ou le Navire des Imbéciles)

L’orchestre terrifiant du 21ème siècle, connu sous le nom de « Guild», joue dans les rues d’Amsterdam. A la fin de la journée, après avoir partagé leur gain, les musiciens se rendent à leur bar préféré, le Navire des Imbéciles, où Lucifer, un homme d’affaire local aux ambitions politiques infructueuses, est aux premières loges.

Pendant ce temps, les deux jeunes activistes arrivent en ville pour distribuer leurs tracts politiques pendant la visite de la célèbre Béatrice. Dante, une journaliste de la TV italienne, prépare son reportage afin de filmer cet événement important.

Maria est attristée de voir son amie Lucia se laisser séduire par le jeune corniste tatoué, Farfarello, qui l’emmène au Navire des Imbéciles.

Dans le bar, les musiciens du « Guild » se saoulent, dansent, se disputent, se battent et essayent de draguer les femmes et petites amies de chacun. Une bagarre féroce éclate entre Calcabrina et Libbicocco.

2)      l’histoire venant de l’Enfer

Les musiciens se réveillent sur une plage hors de la ville. Lucia est avec eux, perdue et soucieuse. Maria les a suivis. Calcabrina en veut à Farfarella d’avoir ramené la fille avec eux. Alinchino choisit la musique pour la journée pendant que Graffiacane travaille son violoncelle. Lucia et Maria se battent.

3)      Lucifer

Les musiciens partent travailler, mais Libbicoco se bagarre avec la police qui finit par tous les arrêter y compris Lucia, qui surveillait la scène, fascinée. Maria attend à l’extérieur du poste de police pendant que Lucifer paie la caution pour leur libération et leur explique ses nouveaux plans pour renverser le pouvoir au paradis. Pendant ce temps, Béatrice arrive à l’hôtel et Dante prépare son reportage filmé.

4)      Le jardin des délices terrestres

Libérés de prison, les musiciens  dérivent sur les canaux d’Amsterdam afin de réfléchir à leurs transgressions. Malacoda a son propre bateau et essaie de se réconcilier avec Calcabrina. Dante filme son reportage et Béatrice apparaît sur le balcon de l’hôtel face à la foule. Dante, parmi la foule où se trouvent également les musiciens, est tellement émue par la prestance de Béatrice qu’elle en oublie la circulation routière. Dante se fait renverser par la limousine de Béatrice et meurt.

5)      Lumière éternelle

Les musiciens sont chassés de la ville. Maria et Lucia les suivent. Béatrice part pour l’aéroport. Lucifer se plaint de l’état des affaires à Florence et nous fait part de ses conseils. Une foule d’enfants entrent et sortent et nous préviennent que même si nous ne savons pas ce qui se passe, eux le savent.

Pendant ce temps, les Travailleurs du Purgatoire reçoivent des instructions de leurs supérieurs pour transférer une âme issue de sa période de pénitence vers le Paradis.

(*) Le Guilde est inspiré de 2 sources : un groupe de diables hilarants issus de « l’Enfer » de Dante (listés et décrits dans la 2ème partie de la Commedia), et par un ensemble musical que Louis Andriessen a souvent « menacé » de créer afin de jouer la musique qu’un orchestre normal ne pourrait interpréter. Il appelle cet ensemble « l’orchestre terrifiant du XXIème siècle ».

(trad. NM)