
" Scheherazade 2 "
Pour violon et orchestre
Boosey & Hawkes
SÉLECTION 2017
- Sélectionné pour : Le Prix de Composition Musicale 2018
L’argument initial de la pièce était une exposition à l’Institut du Monde Arabe à Paris détaillant l’histoire des « Mille et Une Nuit » et de Schéhérazade et la façon dont ce conte a évolué au cours des siècles. La brutalité occasionnelle envers les femmes, qui est sous-jacente dans un grand nombre de ses contes, m’a incité à réfléchir aux nombreuses images de femmes oppressées, abusées ou violentées que nous voyons quotidiennement dans les actualités. Dans ce conte ancien, Schéhérazade est le personnage chanceux qui, par son inventivité, est capable de sauver sa vie. Cependant, il n’y a pas grand-chose à célébrer ici lorsque l’on pense qu’elle est épargnée uniquement grâce à son ingéniosité et à sa capacité à continuer à divertir son mari pervers et meurtrier.
En pensant à une Schéhérazade de notre époque, il me vint à l’esprit des exemples célèbres de femmes dont la vie est menacée ; par exemple « la femme au soutien-gorge bleu » de la Place Tahrir, traînée dans les rues, cruellement battue, humiliée et physiquement mise à nu par des hommes enragés et violents. Ou la jeune étudiante iranienne, Neda Agha-Soltan, qui a été tuée par balle tandis qu’elle participait à une manifestation pacifique à Téhéran. Ou les femmes attaquées quotidiennement et même exécutées par des fanatiques religieux dans de nombreux pays : l’Inde, le Pakistan, l’Afghanistan, en tout lieu. Ces images d’aujourd’hui qui nous viennent à l’esprit ne sont pas propres au Moyen-Orient : nous voyons des exemples qui, s’ils ne sont pas explicites, n’en sont pas moins profondément dérangeants, dans toutes les régions du monde, y compris notre propre pays et même dans nos propres campus universitaires.
J’ai été ainsi brusquement frappé par l’idée d’une « symphonie dramatique » dans laquelle le personnage principal est joué par le violon solo ; et ce serait Schéhérazade.
Bien qu’elle n’ait ni scénario ni intrigue réelle, la symphonie suit un ensemble d’images provocatrices : une jolie jeune femme qui a du cran et une force personnelle ; une scène de poursuite par de « vrais croyants » ; une scène d’amour (qui sait… peut-être son amant est-il également une femme ?) ; une audience pendant laquelle elle est jugée par un tribunal de zélateurs religieux (« Shéhérazade et les Barbus »), et au cours de laquelle les hommes débattent entre eux de doctrine, et qui se déchaînent et crient après elle qui garde son calme en se défendant de leurs accusations) ; et l’évasion, la fuite et le sanctuaire », qui doit être le rêve archétypal de toute femme importunée par un ou plusieurs hommes.
J’ai composé cette pièce tout particulièrement pour Leila Josefowicz qui a été mon amie et a défendu ma musique (et comme beaucoup d’autres compositeurs) pendant près de cinquante ans. Aujourd’hui, nous avons joué mon Concerto pour Violon et mon Concerto pour Violon Amplifié, The Dharma at Big Sur, de nombreuses fois. Cette œuvre est une vraie collaboration et reflète un dialogue et un échange créatif sur plus d’une année, et dont j’espère qu’ils continueront bien après la première représentation. Je trouve que Leila est l’incarnation parfaite de ce genre de force et d’énergie maîtrisée qu’une Schéhérazade moderne pourrait posséder.
John Adams