Le compositeur américo-italien Christopher Trapani mène une carrière active aux Etats-Unis, au Royuame-Uni, ainsi qu’en France et en Europe. Parmi ses commandes récentes se trouvent des nouvelles oeuvres pour Klangforum Wien, Ensemble Modern, le BBC, JACK Quartet, et Radio France, et sa musique a été jouée à Carnegie Hall (New York), Southbank Centre (Londres), IRCAM (Paris), et Wigmore Hall (Londres).
Né en 1980 à la Nouvelle-Orléans (Louisiane), il est diplômé de Harvard University et du Royal College of Music de Londres, où il obtient un Master sous la direction de Julian Anderson. En 2003 il s’installe à Paris, où il passe quatre ans dans la classe de Philippe Leroux et dans le cadre d’une résidence à la Cité Internationale des Arts. Après un séjour d’un an à Istanbul, où il bénéficie d’une bourse Fulbright pour étudier la microtonalité dans la musique classique ottomane, il retourne à Paris en 2008 pour intégrer le cursus d’informatique musicale à l’IRCAM, sous la direction de Yan Maresz. Depuis 2010 Christopher poursuit un doctorat à Columbia University à New York, où il travaille avec Tristan Murail, Georg Friedrich Haas, George Lewis, et Fred Lerdahl.
Christopher a reçu de nombreux prix: le Gaudeamus Prize pour Sparrow Episodes (2007), Leo Kaplan Award de ASCAP pour Üsküdar (2009), ainsi que des prix des jeunes compositeurs de ASCAP et BMI. Il est lauréat d’une résidence en recherche musicale à l’IRCAM (2012-13), ainsi que des résidences artistiques aux Recollets (Paris, 2013) au Schloss Solitude (Stuttgart, 2014-15), et à la Fondation Camargo (Cassis, 2018). Pendant l’année 2016-2017 il séjourne à la American Academy in Rome en tant que boursier du Luciano Berio Rome Prize. En 2019 il reçoit un Guggenheim Fellowship, ainsi que des commandes da la Fondation Koussevitsky et Fromm Foundation.
Ses oeuvres ont figurés dans des festivals tels que la Biennale de Venise, Festival Agora, Musica Nova Helsinki, Ultraschall Festival à Berlin, Tectonics Festival à Glasgow, Ruhtriennale, Huddersfield, et le Ravenna Festival. Elles sont interprétées par des ensembles tels que ICTUS, Ensemble L’Itinéraire, Nieuw Ensemble, Talea Ensemble, Yarn/Wire, et ensemble mosaik.
Son disque monographique Waterlines est paru en 2018 chez New Focus Recordings. Un deuxième enregistrement de Waterlines avec ICTUS est apparu en 2020, et un disque monographique Horizontal Drift en 2022.
Parmi ses projets actuels se trouvent une nouvelle pièce pour deux voix (Sophia Burgos et Sofia Jernberg), quatre guitares (Zwerm), et électronique, qui sera créée en 2023 et enregistré pour New World Records.
Christopher vit entre la Nouvelle-Orléans, où il enseigne la musique numérique à LSU (Louisiana State University), et Palermo.
All Sounds and Images © 2025 CHRISTOPHER TRAPANI
En tant que périple musical, Noise Uprising est un incomparable voyage de découverte, livrant de nombreuses surprises au cours du chemin.
S'inspirant du livre éponyme de Michael Denning, Christopher Trapani a composé ce cycle de chansons épiques, de 90 minutes, dans le but de jeter un nouvel éclairage sur les histoires cachées et largement oubliées des enregistrements sur gomme-laque réalisés, à la fin des années 1920, dans des villes portuaires animées telles que La Havane, Le Caire, La Nouvelle-Orléans et Rio de Janeiro.
Non seulement ces premiers enregistrements capturent un sens unique du temps et du lieu, mais ils donnent également la parole aux formes et aux idiomes musicaux qui peuplent chaque région, du tango argentin et du son cubain, au taarab tanzanien et au keroncong indonésien.
Cette généreuse profusion de styles est capturée de manière riche en couleurs par Trapani. Outre les enregistrements sources, les bases musicales sont fournies par trois membres du quatuor de guitares polyvalent Zwerm (Toon Callier, Johannes Westendorp, Bruno Nelissen et Kobe Van Cauwenberghe) qui, avec Trapani, combinent des instruments traditionnels turcs, vietnamiens et marocains avec des instruments classiques tels que le banjo, l’ukulélé, la steel guitar et la cithare. Une profondeur supplémentaire est apportée par des instruments non conventionnels et personnalisés, notamment un omnichord fait maison, une guitare électrique Telecaster équipée de frettes microtonales et un dispositif évoquant les instruments à corde frottées appelé le Gizmo.
L'accompagnement est parfois subtil, comme dans l'ambiance Jakarta (Kroncong) et la rêverie Honolulu, ou l'ouverture flottante de Bombay (Alap). À d'autres moments, comme dans Piraeus II (Rebetika) et la dystopie sonore Smyrna (Manes), le cliquetis industriel et mécanisé du quatuor ressemble à un engin « steampunk » fou tiré d'un roman de science-fiction futuriste.
Comme on peut s'y attendre dans un cycle de chansons, la voix occupe une place centrale et Noise Uprising bénéficie de la contribution de deux chanteuses exceptionnelles, Sophia Burgos et Sofia Jernberg. La fragile mélodie de Burgos dans Clarksdale (Blues), inspirée de Skip James, est empreinte d'une émotion contenue et d’un sentiment de perte, avant que la musique ne passe sans effort à Séville (Flamenco) avec les extraordinaires prouesses vocales de Jernberg. Le fait que les deux chanteuses parviennent à imprégner chaque chanson d'un caractère et d'une identité particuliers sans jamais recourir à un ersatz de maniérisme ethnomusicologique ou à un cliché témoigne de leur talent.
Le paysage ethnomusicologique a peut-être radicalement changé depuis les premières années du XXème siècle, lorsque les collecteurs de chansons folkloriques se lançaient dans des enquêtes de terrain, dans des régions éloignées, mais il est possible de considérer Trapani comme un Bartók postmoderniste de l'après-guerre, réaffectant ses sources à des fins créatives et imaginatives et, ce faisant, changeant et remettant en question le paysage musical de son époque.
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