Philippe Hersant est né à Rome en 1948. Il vit et travaille à Paris. Après ses études musicales au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris où il a été l’élève en composition d’André Jolivet, il a été boursier de la Casa Velasquez à Madrid de 1970 à 1972 puis de la Villa Médicis à Rome de 1978 à 1980.
Producteur à France Musique de 1973 à 2005, il a été compositeur en résidence auprès de l’Orchestre National de Lyon (1998-2000), de l’Orchestre National des Pays de la Loire (2007-2009), de l’Orchestre de Bretagne (2008-2010), du Festival des Forêts (2015-2018), du Festival de Besançon et de la Cité de la Voix à Vézelay (2016-2018), du Festival Aspects des Musiques d’aujourd’hui à Caen (2017).
Il a été la tête d’affiche du Festival Présences de Radio France en 2004. Outre la création de son Concerto pour violon et celle d’Éphémères pour piano, une vaste rétrospective de ses œuvres a été proposée à cette occasion.
Il a été compositeur invité du Festival Ombres et Lumières de Clairvaux (2011-2016). Ses actions auprès des détenus de la Centrale de Clairvaux ont donné naissance à plusieurs œuvres chorales (Instants limites, Métamorphoses, Kitoo, Résurrection).
Entre 2006 et 2017, il a effectué trois mandats d’administrateur de la SACD, où il a présidé la commission Musique à trois reprises.
Il est membre des conseils d’administration de l’Ensemble vocal Aedes, de la Compagnie La Tempête et de l’Orchestre de Chambre de Paris.
Il est président de l’Association Jeunes Talents, reconnue d’utilité publique, et président du jury Musique de la Fondation d’Entreprise Banque Populaire.
Son catalogue est riche de près de deux cents œuvres pour des formations très diverses : musique instrumentale soliste, musique de chambre, orchestre, chœur. Il est l’auteur de trois opéras : Le Château des Carpathes (1992), commandé par le Festival de Montpellier et de Radio France, Le Moine noir (2006), commandé par l’Opéra de Leipzig et Les Éclairs, sur un livret de Jean Echenoz (2021), commandé par l’Opéra-Comique.
Il a également écrit une musique de ballet pour l’Opéra de Paris, Wuthering Heights (2002) sur une chorégraphie Kader Belarbi, des Vêpres de la Vierge (2013) commandées par Notre-Dame de Paris pour le 850ème anniversaire de la cathédrale et un opéra choral, Tristia, commandé par Teodor Currentzis et l’Opéra de Perm en Russie.
À cela s’ajoutent un grand nombre de musiques de scène et de musiques de film (dont celle de Être et avoir de Nicolas Philibert).
Largement reconnu dans le monde musical, il s’est vu décerner de nombreuses distinctions : Grand Prix musical de la Ville de Paris (1990), Prix des Compositeurs de la SACEM (1991), Prix Arthur Honegger (1994), Prix du Syndicat de la Critique Musicale et Dramatique (1994), Prix Maurice Ravel (1996), Grand Prix de la Musique Symphonique décerné par la SACEM (1998) Grand Prix de la Fondation Del Duca décerné par l’Académie des Beaux-Arts (2001), Grand Prix Lycéen des Compositeurs (2012), Prix Musique décerné par la SACD (2014) et trois Victoires de la Musique Classique (compositeur de l’année, en 2005, 2010 et 2016).
Il est Commandeur des Arts et Lettres.
NOTICE
L’oeuvre pour choeur à voix égales et piano, Sept poèmes d’Emily Dickinson, commande de Radio France, a été créée le 20 juin 2006 à Paris.
« Dans ses Leçons américaines, Italo Calvino distinguait « deux vocations opposées se disputant à travers les siècles le domaine de la littérature : l’une tendant à faire du langage un élément dépourvu de poids, flottant sur les choses comme un nuage (…) ; l’autre tendant à communiquer au langage le poids, l’épaisseur, la concrétude des choses, des corps, des sensations. » Il voyait en Emily Dickinson une adepte de la première voie, elle qui pratiquait cet « allégement du langage au terme duquel les signifiés, circulant sur un tissu verbal presque impondérable, prennent une consistance tout aussi raréfiée. »
Un « allègement du langage » : voilà précisément à quoi j’aspirais après les deux années que j’avais consacrées à mon opéra Le moine noir. C’est pourquoi, lorsque la maîtrise de Radio France m’a demandé d’écrire une oeuvre pour célébrer son soixantième anniversaire, je me suisspontanément tourné vers les brefs quatrains d’Emily Dickinson.
Wise Orion, le troisième des Sept poèmes, est celui qui parvient le mieux à cette « consistance raréfiée » dont parle Calvino. Mais, qu’ils évoquent un carillon (le premier), une comptine (ledeuxième et le cinquième), ou un hymne (le dernier) tous sont brefs, simples et fragiles, Ils sont destinés, dans mon esprit, à être chantés par de très jeunes enfants.
Les sept poèmes d’Emily Dickinson m’ont été commandés par Radio France et sont dédiés à Toni Ramon. » (Philippe Hersant)
Durée : environ 11 minutes
> Création mondiale : 2, 4, 6, 8 novembre 2021
Opéra-Comique (Paris)
Orchestre Philharmonique de Radio France
Ensemble Aedes, chœur
Jean-Christophe Lanièce, Gregor
André Heyboer, Edison
Elsa Benoit, Betty
Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Ethel
Jérôme Boutillier, Parker
François Rougier, Norman
Stéphane Lara, Antoine Pinquier, figurants
Ariane Matiakh, direction
Plongée dans le New York de la révolution industrielle, avec le destin hors du commun de Nikola Tesla, habité par ses visions révolutionnaires sur l’électricité. L’écrivain Jean Echenoz adapte son roman pour la scène et Philippe Hersant signe son troisième opéra, pour cette création mondiale commandée par l’Opéra-Comique. Il nous en dit un peu plus ci-dessous :
Cela faisait plusieurs années que vous n'aviez pas composé un opéra, un genre que vous aviez enrichi d'œuvres, rares mais essentielles, par le passé. Pourquoi ce silence ?
Quinze ans, en effet, séparent Le Moine noir des Éclairs. Mais ce long silence n’est pas dû à un quelconque désintérêt pour le genre lyrique; j’ai eu quelques projets d’opéra durant ces années, mais ils n’ont pas abouti. Le hasard des commandes m’a poussé vers d’autres horizons : un grand nombre d’œuvres sacrées et d’œuvres chorales, notamment, ont jalonné toute cette période.
Quelles ont été les principales raisons qui vous ont convaincu de vous atteler à la tâche ?
Olivier Mantéi m’a contacté dès son entrée en fonctions à l’Opéra-Comique. Mais comme je l’ai dit, certains projets n’ont pas abouti. Lorsqu’il m’a proposé de mettre en musique le livret qu’il avait commandé à Jean Échenoz, j’ai tout de suite été intéressé. Tout d’abord à cause de l’admiration que je porte à cet écrivain. Et aussi parce que j’ai trouvé dans ce livret des thèmes proches de ceux de mes opéras précédents, mais sous une forme très différente, ce qui me permettait de me renouveler. L’innovation scientifique est au cœur de l’action du Château des Carpathes et des Éclairs - et le personnage du Baron, chez Jules Verne, fait songer à Edison. Quant au Gregor des Éclairs (inspiré par Nikola Tesla), il ressemble un peu à Andreï, le héros du Moine noir : brillant, génial, mais un peu fou et inapte à vivre en société.
Voilà pour les points communs. Mais le rythme, imposé par ce livret, diffère totalement de celui, assez lent, de mes deux opéras précédents. Il n’y a pas de répit dans le livret de Jean Échenoz, il s'y passe énormément de choses. Les scènes sont brèves, s'enchaînent à vive allure et sont extrêmement variées : comiques, sentimentales, ironiques ou horrifiques. C’est ce qui m’a séduit.
Fort de votre expérience, quels « pièges » avez-vous évité ? Comment jugeriez-vous a posteriori cette nouvelle aventure par rapport à celles du Château des Carpathes ou du Moine noir ?
Il y avait dans mes précédents opéras un certain statisme. Et la partie orchestrale était souvent prédominante, peut-être, parfois, un peu envahissante. Dans les Éclairs, l’écriture orchestrale est moins dense et l’équilibre voix-orchestre est mieux dosé. J’ai souhaité être fidèle au titre. Les éclairs ! Tout va vite ici, tout s’enchaîne et parfois même se télescope. Le livret de Jean fait songer à un scénario de film. J’ai tenté de garder cette fluidité cinématographique.
Comment souhaiteriez-vous dans l'idéal que le public de l'Opéra-Comique aborde la création ? Certaines œuvres musicales (vos derniers enregistrements), littéraires (les romans de Echenoz), filmiques (Le Prestige...) ou documentaires (histoire de la science) pourraient-elles faire sens ?
Je pense qu’il serait intéressant pour le spectateur de lire le roman Des Éclairs - à la fois très proche et très différent du livret. Jean Échenoz a accompli là un grand travail d’adaptation. C’est une réécriture complète, une transposition de genre très réussie.
Et oui, bien sûr, c’est l’occasion de voir Le Prestige de Christopher Nolan, ne serait-ce que pour l’incarnation de David Bowie en Tesla. Le personnage a même intéressé des auteurs de séries : Tesla apparaît dans quelques épisodes des Enquêtes de Murdoch. On lui a consacré tout récemment un biopic, mais je ne l’ai pas vu.
Pourquoi aussi ne pas aller faire une visite au petit musée Tesla de Belgrade ? On y voit beaucoup de photos et de documents, des cannes, des chapeaux, des costumes lui ayant appartenu (c’était un vrai dandy), mais surtout, on peut assister à une expérience à haute tension, avec la bobine de Tesla et des tubes de néon. Frissons et éclairs garantis.
Ou bien (c’est plus simple !) une petite visite au musée du Luxembourg où l’on expose cet automne des photos de Vivian Maier. Belle façon de se plonger dans l’atmosphère new-yorkaise.
Durand Salabert Eschig, le 11 octobre 2021