Ecrit dans un français châtié et classique, Musc propose un récit tragi-comique au thème très original. Célibataire de soixante-neuf ans passés, Monsieur Eme est un homme dont la vie est parfaitement réglée : chaque matin, il se lève à la même heure, fait «un bras d'honneur magistral au cimetière du Montparnasse», exécute quelques exercices gymniques «dits suédois», prend grand soin de sa toilette et attache une attention maniaque à sa tenue vestimentaire mais «il avait encore besoin d'un petit chouïa pour compléter son habillage. Tous les matins sans exception, une fois vêtu, et en tête à tête avec son miroir, Monsieur Eme mettait donc son eau de toilette (...) Elle l'enveloppait alors, faisant office sur lui de survêtement, donnant du volume au mouvement de son corps, et traçant les contours de son rayonnement sinon visuel, du moins sensuel. Quoi qu'il en fût , sans son parfum, monsieur Eme se serait senti nu».

La routine, jusqu'au jour où sa maîtresse, Eve, lui dit : «Tu sens bon. Différent mais bon». Ce compliment va révolutionner la vie de ce dandy qui, alarmé, apprendra que son «Musc» est désormais élaboré avec un produit de synthèse au lieu du musc animal extrait des glandes abdominales du chevrotain en période de rut.
Or, ce parfum est l'essence même de sa vie et notamment l'arme indispensable de son pouvoir de séduction et « ce qui avait commencé par le pêché de vanité d'un beau se refusant à vieillir tournait à présent au drame existentiel». Monsieur Eme entre alors dans une course folle pour se procurer le Musc original ; il se constitue une réserve de 3 ans. Passé ce cap, il sait qu'il est perdu et décide donc de se tuer à l'épuisement de son stock. Dès lors, il prépare minutieusement sa mort : il met son appartement en viager, commande un «gisant» pour sa pierre tombale et entre en relation avec une embaumeuse. «La mort de son parfum, Musc, l'avait laissé littéralement désolé. Mais il savait à présent que par sa propre mort, et par son embaumement, il baignerait à nouveau et à jamais dans un parfum de musc, et qu'il retrouverait du coup l'harmonie cosmique qui lui faisait aujourd'hui défaut ».

Avec un humour pince-sans-rire, Percy Kemp décrit, dans un français savoureux et avec la précision d'un entomologiste, les étapes d'une progression obsessionnelle qui vire à la folie. Mais une folie aussi fascinante que séduisante !