© Daniel Campbell

Biographie

Née à Singapour et basée à Paris, Diana Soh est une compositrice reconnue pour son travail à la croisée de la musique contemporaine, du théâtre et de la technologie. Elle explore une écriture interactive et expressive en collaboration étroite avec les interprètes, développant des couleurs sonores singulières. Sa musique, qualifiée de “très énergétique et galvanisante” (ResMusica), aborde souvent des problématiques sociales et culturelles. Selon Concert Classic, elle “compose l’impossible”.

Parmi ses projets récents : Carmen Cour d’assises, théâtre musical créé au TAP de Poitiers en mai 2023, avec mise en scène d’Alexandra Lacroix, repris à l’Opéra de Bordeaux et au Théâtre de la Ville de Luxembourg en 2024. Elle poursuit dans cette veine avec L’avenir vous le dira, un opéra pour chœur d’enfants commandé par l’Opéra de Lyon (festival 2025), en collaboration avec Alice Laloy (mise en scène) et Emmanuelle Destremeau (livret).

Diana approfondit son travail vocal après Tu es Magique (Maîtrise de Radio France, Festival Présences 2022) et Ackee (Sequenza 93, Jeux Olympiques de Paris 2024). En 2024, elle crée La Ville-Zizi (Laura Bowler), Unbroken (Rosie Middleton) et I linger lately beyond my time (Claron MacFadden & Ensemble Intercontemporain, Festival d’Aix-en-Provence). Elle se produira également comme chanteuse avec le SYC Ensemble Singers pour leur 60e anniversaire.

Son année 2024 est marquée par plusieurs créations instrumentales : on, off and on again (orgue solo, Philharmonie de Paris), And those who were seen dancing (Quatuor Arditti), et I forget to remember when I am with you, projet réunissant six structures musicales dans les Alpes françaises. Parmi les projets à venir : Songs from whence I came pour mezzo-soprano, orchestre et électroniques (Rinat Shaham et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Festival Manifeste IRCAM), ainsi qu’Sous notre peau, programme d’une heure pour Quatour Présages (ensemble vocaux féminin)dans le cadre de La Belle Saison.

Parmi ses œuvres marquantes : A is for Aiyah (Singapore Symphony Orchestra, 2018), sssh (Quatuor Mettis, Festival d’Aix 2018), Zylan ne chantera plus (Opéra de Lyon hors les murs, texte de Yann Verburgh, mise en scène de Richard Brunel), My other self (Festival Nouveaux Horizons), et Of smaller things (Schallfeld Ensemble).

Ses œuvres ont reçu le soutien de la Fondation Barlow, Ernst von Siemens Musikstiftung, IRCAM, Festival d’Aix-en-Provence, Ministère français de la Culture, Fondation Royaumont et Festival Klang de Copenhague. Elles sont diffusées internationalement (WDR, ORF, BBC Radio 3, France Musique) et jouées par des ensembles tels que Klangforum Wien, Ensemble Intercontemporain, Arditti Quartet, Ensemble Court-Circuit, Ensemble Lucilin, Ensemble 2E2M, Athelas Sinfonietta Copenhagen, BBC Singers, et des artistes comme Elise Chauvin, Emmanuelle Ophèle, Jean Rondeau, James McVinnie, Gérard Caussé ainsi que les chefs Jean Deroyer, Pierre-André Valade, Sandro Gorli, Sofi Jeannin, Lucie Leguay.

Lauréate du Young Artist Award (Singapour), du Prix Impuls (2017) et du Prix SACEM Francis et Mica Salabert (2021), Diana débute sa carrière en France en 2012 en residence à La Muse en Circuit. Elle a été en résidence avec Divertimento Ensemble (2019) et Artiste-Associée à l’Opéra de Bordeaux (2023–24) et sera compositrice en résidence à l’Université de Toronto à l’automne 2025. Son disque monographique Still, Yet, And Again est paru chez Stradivarius.

- Janvier 2025

Œuvres

Arboretum : of myths and trees

Pour soprano
SÉLECTION 2015

CREATION

19/06/2013, Paris, Ircam, Espace du Projection, ManiFeste. Par l'Ensemble Court-Circuit.

NOTICE

J’ai toujours accordé beaucoup d’importance à la présence physique de mes interprètes et à tout ce qui ne peut être transmis à l’oral, mais seulement ressenti au travers des gestes ou de l’aura : le langage du corps. Le musicien offre un spectacle fascinant, et pas uniquement sonore. Pourquoi, en effet, continue-t-on d’aller au concert aujourd’hui, alors qu’on peut écouter de la musique dans son salon, avec une chaîne Hi-Fi 5.1 ? Qu’est-ce qui nous fait nous lever de notre canapé pour faire l’expérience de la musique en concert ?

On dit que toute médaille a son revers, mais, quel que soit le degré de dualité et/ou de duplicité — ici entre le « voir » et l’« entendre » —, nous considérons toujours les deux faces comme un tout. C’est à cette dualité du geste musical que je veux me confronter ici, grâce à un dispositif de suivi de mouvement. J’ai voulu interroger, du point de vue compositionnel, le lien entre l’action qui produit un son et le son qui nourrit les actions — théâtre de sons et sons de théâtre. Le recours à la technologie n’est nullement une manière d’effacer l’humain mais, au contraire, un moyen de redonner à l’interprète autonomie et autorité sur les processus électroniques. Dans Arboretum : of myths and trees, la chanteuse « interprète » l’électronique : quoi qu’elle fasse, à la fois physiquement et musicalement, cela aura une influence sur la partie électronique.

La soprano est donc une figure centrale — tour à tour soutenue et contredite par l’ensemble. En tant que corps musical, en tant qu’instrument de musique, sa mécanique reste secrète, mais elle n’en incarne pas moins un personnage, en même temps que le texte qu’elle chante. C’est cette mécanique secrète que la capture de geste permet d’explorer. J’ai noté et composé une série de gestes que la chanteuse doit exécuter en plus de son chant. Si tout est écrit, c’est elle qui contrôle (interprète), grâce à ses mouvements de main, l’exécution des traitements électroniques sur la harpe et le piano, tandis que les sons de la flûte sont un prolongement de ce qu’elle chante.

Naturellement, l’écriture de la musique comme des gestes est subordonnée à l’état psychologique des personnages du mythe qui sert de support à la pièce : Daphné et Apollon. Ce mythe est bien connu : pour se venger des railleries d’Apollon, Eros le fait tomber amoureux de la nymphe Daphné, tout en suscitant un dégoût total chez cette dernière. Pour échapper aux assauts du Dieu, Daphné se transforme en laurier.

La version qu’en donne Jamie R. Currie – écrivain, poète, philosophe et musicologue anglais — est une narration moderne, plus ou moins  abstraite. En écrivant, il avait à l’esprit la statue qu’en a tiré Gian Lorenzo Bernini (1598-1680) en 1625, que l’on peut voir aujourd’hui à la villa Borghese à Rome : le geste d’Apollon, prêt à toucher Daphné, la moue de dégoût, le cri silencieux qui apparaît sur le visage de celle-ci, la jeune fille effarouchée déjà à moitié métamorphosée.

Arboretum est un terme botanique qui désigne une collection d’arbres destinés à l’étude scientifique. Ici, c’est une métaphore pour la forme de la pièce qui présente trois versions du mythe. Qu’ont en effet en commun arbres et mythes, sinon une structure, et un inlassable développement arborescent. Les figures du mythe sont protéiformes et inconstantes : chaque époque projette sur elles ses propres nuances et métaphores pour mieux illustrer les enjeux sociétaux du jour. Le mythe me sert ici à la fois de caisse de résonance et de métaphore du réel : son choix est donc à la fois sans importance (j’aurais pu en choisir un autre) et absolument crucial car il confère à l’œuvre sa cohérence et sa forme.

La pièce est en trois parties, chacune offrant une perspective différente sur la scène — dans un langage et une syntaxe différents également.

Dans la première partie, Apollon rêve — j’en fais quant à moi un ivrogne, accoudé au bar, tentant de dissoudre ses problèmes dans l’alcool. Vient ensuite la fuite de Daphné : le texte est au présent, remémoration de la poursuite, discours affolé, mots précipités, sans grand souci de sens. Dans la troisième et dernière partie, c’est le chant du laurier : on n’entend plus que les craquements de l’arbre, seule voix qui reste à la pauvre Daphné — crissement des racines et des branches, bruissement des feuilles.

Le mythe d’Apollon et Daphné n’est pas pour moi une histoire d’amour éternel, mais bien plutôt une histoire de possession et d’éternels regrets.

Diana Soh, propos recueillis par Jérémie Szpirglas, ManiFeste 2013.

I linger lately beyond my time

Pour soprano et ensemble
Publication : Auto-édition
SÉLECTION 2025

Œuvre nominée en 2025
pour le Prix de Composition Musicale 2027

En cours de traduction.
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