Fondation Royaumont © Agathe Poupeney

Biographie

Oscar Bianchi est un compositeur d'origine italienne et suisse, installé à Berlin, dont la musique allie une réflexion structurelle rigoureuse à une puissance émotionnelle viscérale.

Il a étudié la composition, la direction de chœur et la musique électronique au Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan. Il a suivi le programme de maîtrise de l'IRCAM à Paris et a obtenu un doctorat à l'université de Columbia sous la direction de Tristan Murail et de George Lewis.

Son premier opéra, Thanks to My Eyes - créé avec le metteur en scène Joël Pommerat et présenté au Festival d'Aix-en-Provence - a été acclamé par la critique et a fait l'objet d'une tournée internationale. Sa cantate, Matra, ainsi qu'un nombre croissant d'œuvres mises en scène, participatives et de chambre, continuent de surprendre le public et les critiques par leur profondeur, leur humour et leur engagement inébranlable en faveur de la primauté de l'expression.

Sa musique a été jouée par un grand nombre d'ensembles et d'orchestres parmi les plus importants d'aujourd'hui, notamment le Gewandhausorchester Leipzig, l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, l'Orchestre philharmonique de Radio France, le DSO Berlin, l'Ensemble Modern, JACK et le Klangforum Wien.

Il est lauréat de nombreux prix prestigieux, dont le prix de Rome (Villa Massimo), le prix Gaudeamus, la bourse DAAD Artists-in-Berlin, le Grand Prix Sacem, le prix de l’International Rostrum of Composers et le German Record Critics' Award.

Oscar Bianchi est également le fondateur et le directeur artistique de la célèbre Académie internationale des jeunes compositeurs et chefs d'orchestre au Tessin, en Suisse.

Au cœur de son travail se trouve la foi en la musique comme véhicule de transformation sociale, politique et existentielle.

Texte traduit de l’anglais

Œuvre

Pozzanghere | Mezzo Seccate

Pour soprano, 8 instruments et matériel electronique (2023)
Publication : Durand Salabert Eschig
SÉLECTION 2025

Œuvre nominée en 2025
pour le Prix de Composition Musicale 2025

Pozzanghere | mezzo seccate ( Flaque d'eau | à moitié asséchée) est la troisième partie d'une exploration continue de la voix en tant que médium privilégié - un instrument non seulement d'expression, mais de transformation.

Dans Matra (2007), une cantate d'une heure qui s'inspire d’éléments de Marie-Madeleine, de Lucrèce et du Vigyan Bhairav Tantra, la voix porte le poids de l'existence et de la nostalgie, émergeant comme un espace où le son devient une expérience de soi.

Dans Thanks to My Eyes (2011), la forme opératique permet une confrontation avec la douleur par le biais de la narration : la musique devient le terrain où le mythe et la dramaturgie se réapproprient le temps, et où la voix rend intelligible ce qui résiste au langage.

Dans Pozzanghere | mezzo seccate (2024), la voix entre dans un nouveau paradigme : elle ne raconte plus, n'orne plus, ne séduit plus, ne symbolise plus. Elle habite un espace liminal entre l'impulsion et la construction, entre le souffle et la structure. Ce n'est ni un caractère ni un commentaire, mais une condition. Elle ne représente pas : elle révèle. Un seuil à travers lequel l'auditeur est invité non pas à observer, mais à participer. Un voyage intérieur façonné par la tension et non par la fonction, la présence et non la projection.

 

L’œuvre est également un hommage à « I limoni » (Les citrons), le poème d'ouverture de «Ossi di seppia» d'Eugenio Montale. Son titre évoque l'éphémère et la fragilité - Pozzanghere | mezzo seccate (flaque d'eau | à moitié asséchée) - métaphores du temps qui s'évapore sous l'effet de la chaleur. L'univers poétique de Montale, avec sa clarté brute et sa résistance à l'excès rhétorique, reflète mes propres idéaux musicaux : un engagement à la précision, qui n'exclut pas l'émotion, et à une 'expression dépouillée de toute fioriture.

Cette dualité se retrouve dans tout l'ensemble. Le quatuor à cordes, la contrebasse et l'accordéon évoquent un paysage sonore fluide et mystérieux, capable de dissoudre les identités par le mélange. En revanche, le piano et les percussions ancrent la musique dans le concret et le corporel. Pourtant, grâce à des techniques étendues - arcs sur le métal, crin de cheval glissant sur les cordes du piano - ils transcendent eux aussi leurs racines percussives, s'orientant vers la résonance et la suspension.

La soprano et la trompette sont suspendues entre ces deux pôles. Le rôle de la soprano est délibérément «hybride» : elle est à la fois corps et souffle, son et parole, franchissant le seuil entre le lyrisme et l'impulsion brute. La trompette, son reflet ou sa némésis, lui fait de l'ombre et la déforme - doublant, contredisant ou déstabilisant la prétention de la voix à la singularité. Ensemble, ils forment un champ de friction et d'intimité, de croisements et d'abstraction.

Pozzanghere | mezzo seccate se déroule non pas comme une série d'épisodes, mais comme un flux continu. Comme la flaque qu'elle évoque, elle se reflète et se déforme, absorbe et s'évapore. Dans cette œuvre, la voix n'est pas porteuse de sens ou d'excès émotionnel, mais de quelque chose de plus essentiel : un espace métissé où convergent instinct et technique, mémoire et potentiel, corps et culture, non pas pour résoudre leurs différences, mais pour les habiter pleinement.

Oscar Bianchi (avec Jérémie Szpirglas)
 Texte traduit de l’anglais