© Carlos Diáz de la Fuente

Biographie

Alberto Posadas est né à Valladolid, où il a commencé ses études musicales, avant de les poursuivre à Madrid avec celui qu'il considère comme son véritable mentor : Francisco Guerrero.

 

Dès le début, il est attiré par la formalisation musicale et l'utilisation de modèles exogènes issus du domaine scientifique dans sa pratique compositionnelle. Cependant, il a rapidement commencé à élargir le champ des interactions pour y inclure des modèles issus des arts visuels, de l'architecture, de la littérature et de la philosophie. Parallèlement, il développe un ensemble de travaux autour du concept qu'il définit comme « micro-instrumentation générative », basé sur l'idée d'explorer l'instrument de musique à un niveau microscopique, afin d'en extraire à la fois, un matériau musical et une syntaxe éventuelle.

Il a reçu le prix du public au festival Ars Musica de Bruxelles (2002).

Il a été sélectionné par le comité de lecture de l'IRCAM (2003/04), institution où il a été compositeur en résidence à plusieurs reprises.

En 2011, il a reçu le prix national de la musique décerné par le ministère espagnol de la culture.

En 2014, l'État libre de Bavière l'a choisi comme compositeur en résidence à l'Internationales Künstlerhaus Villa Concordia à Bamberg (Allemagne).

Il a également été compositeur en résidence au Wissenschaftskolleg zu Berlin pendant l'année universitaire 2016/17.

En 2025, il a reçu le prix Happy New Ears de la fondation Hans und Gertrud Zender en collaboration avec la Bayerische Akademie der Schönen Künste et Musica Viva BR-Klassik de la Bayerischer Rundfunk.

Des festivals et des saisons de concerts tels que Donaueschinger Musiktage, Wien Modern, Musik der Zeit (Cologne), Wittener Tage für Neue Kammermusik, MUSICA de Strasbourg, ULTRASCHALL (Berlin), Festival ManiFeste (Paris), Festival d'Automne à Paris et Rainy Days (Luxembourg), entre autres, ont consacré des concerts monographiques à sa musique.

Il est régulièrement invité comme professeur de composition dans des cadres internationaux tels que la Session de Composition de Royaumont (2012), le Takefu International Music Festival (Japon, 2013), l'Académie de Composition de Manoury (Festival MUSICA, Strasbourg 2016), l'Académie ManiFeste (Paris 2017), la Musikhochschule Lucerne (2017/18) et l'Académie Impuls (Graz 2019 et 2021).

Œuvres

Kerguelen

Pour trio de bois et orchestre
Universal Music
SÉLECTION 2015

CREATION


20/10/2013, Donaueschinger, All. Par trio de solistes de l’Ensemble Recherche (Martin Fahlenbock, flûtes - Jaime González, hautbois - Shizuyo Oka, clarinettes) et le SWR – Sinfonie Orchester Baden-Baden & Freiburg, dir. François-Xavier Roth.

NOTICE


Kerguelen est le nom d’un plateau volcanique sous-marin presque entièrement recouvert par les eaux de l’Océan Indien, situé à environ 3000 km au sud de l’Australie. Seule une petite partie émerge de la surface de l’océan, formant ainsi l’archipel du même nom.


Le choix de ce titre résulte du fait que cette formation géologique décrit parfaitement la relation établie entre le trio de solistes et l’orchestre. La relation dialectique caractérisant la musique concertante de ses débuts à nos jours est ici évitée. Au contraire, une relation où le trio se détache de l’orchestre est recherchée, jouant le tutti à l’image d’un « plateau » sur lequel le matériel musical se base.


En établissant cette relation, on détermine dès lors pleinement le choix de la matière musicale.
La virtuosité « acrobatique » habituellement associée à la forme du concerto est ici remplacée par une virtuosité moins apparente qui manque d’un certain aspect théâtral. Dans Kerguelen, la virtuosité requiert une grande habilité dans le contrôle de l’émission du son par la colonne d’air. Ainsi, les matériaux sont intimement liés aux instruments, pensés et conçus pour eux.


Cette manière de travailler vient d’un concept que j’appelle la « micro-instrumentation » ou « instrumentation génératrice ». Ce concept tend à explorer les espaces intermédiaires qui existent de façon microscopique (en termes de ton et de timbre), entre les sons conventionnels pour lesquels ces instruments ont été créés. Et ces matériaux microscopiques résultant d’un processus de recherche de ces instruments deviennent générateurs de structures puisque, d’une certaine manière, ils imposent leur propre temporalité.


Dans le cas de Kerguelen, ce processus de recherche a été développé en collaboration avec le trio de solistes de l’Ensemble Recherche de Freiburg.


Le trio est traité comme un seul et même instrument, de manière aussi homogène que possible. Et c’est manifestement une conséquence de cette fuite de la relation dialectique. En fait, il n’y a pas trois solistes mais une seule et unique formation polyphonique divisée en trois, chacune d’elle étant traitée de façon multi phonique. Cette approche multi phonique s’incarne pleinement dans la « cadenza », toujours éloignée du concept traditionnel, pas uniquement pour le matériau choisi mais aussi pour l’explicite linéarité qui tend à explorer tous les espaces intermédiaires trouvés grâce aux techniques de micro-instrumentation.

 

Königsberger Klavierkonzert

Concerto pour violon
Publication : Ricordi
SÉLECTION 2025

Œuvre nominée en 2025
pour le Prix de Composition Musicale 2027

Trois dates revêtent une importance particulière dans la composition de ce concerto pour piano et orchestre, au-delà de la composition elle-même.

 - En 2013, j'ai entamé une étroite collaboration avec le pianiste Florian Hölscher, pour lequel j'ai fini par écrire un cycle de six œuvres pour piano solo intitulé Erinerungsspuren.

Cette nouvelle pièce est conçue comme une extension de cette collaboration, cette fois dans le domaine de la musique concertante.

 - En 1965, Giacinto Scelsi a composé ce que je considère comme l'une de ses œuvres les plus solides : Anahit. La première fois que j'ai entendu cette pièce, écrite pour violon et 18 instruments, j'ai été profondément impressionné par l'audace avec laquelle elle établit la relation entre le soliste et le tutti. Cette relation est née du matériau musical lui-même, plutôt que d'une structure préétablie, et a transcendé la relation dialectique qui avait façonné la musique occidentale depuis le milieu de la période baroque et classique.

 - En 1736, le mathématicien suisse Leonhard Euler a résolu un problème qui lui avait été soumis par le maire de la ville de Königsberg. Le problème consistait à relier les quatre quartiers de la ville - séparés par la rivière Pregel et traversés par sept ponts - de manière à ce que chaque pont ne soit traversé qu'une seule fois et que l'on revienne à la fin au point de départ. Le problème n'avait pas de solution, mais grâce à cela, et en généralisant le résultat négatif, Euler a développé la théorie des graphes, qui est devenue le premier fondement de la topologie mathématique.

L'utilisation des circuits dits eulériens est l'un des fondements compositionnels de ce concerto en trois mouvements.

 Dans le premier et le troisième mouvements, le soliste joue depuis le clavier, tandis que dans le deuxième, il joue également à l'intérieur du piano.

Dans le premier mouvement (Zyklen), suivant la théorie des graphes, plusieurs circuits eulériens ont été créés pour déterminer la séquence des matériaux, leur temporalité, et pour réguler les différents types de relations établies entre le soliste et l'orchestre. Tout cela dans le but d'explorer des relations non dialectiques, sans pour autant abandonner l'alternance. Certaines de ces relations sont tirées de la nature (épibiose, mimétisme, symbiose), tandis que d'autres proviennent de pratiques purement musicales (hétérophoniques ou acoustiques).

 Dans le deuxième mouvement (Ritual - Discantus - Chorale), le piano perd presque complètement son identité de soliste, dépouillé de toute trace de la virtuosité du XIXème siècle, pour plutôt laisser place à un concept de musique de chambre élargie. Ce mouvement est divisé en trois sections. La première se déroule comme un rituel dans lequel un geste articulé, incisif et percutant devient le déclencheur de « résonances virtuelles » qui évoluent dans le temps. La seconde présente un « discantus » sur une mélodie grégorienne enfouie (Media vita), qui était déjà apparue, quoique subtilement, dans le premier mouvement. Enfin, la troisième section débouche sur une sorte de chorale créée par des transformations topologiques d'un accord initial.

 L'utilisation des circuits eulériens réapparaît dans le troisième mouvement, pour des questions d'harmonie et de distribution des hauteurs, mais aussi, à certains moments, pour des raisons liées au matériel musical - par exemple, dans les deux cadences que le soliste exécute sur un son statique de l'orchestre.

L'écriture de la partie soliste évolue d'une idée qui rappelle parfois le clavecin, vers une sonorité plus dense, plus proche de la texture et du geste, en passant par des moments d'une extrême complexité polyphonique.

Bien que les trois mouvements présentent des territoires sonores très contrastés, ils sont interconnectés :

L'idée du geste rituel dans le deuxième mouvement était déjà apparue - bien que sous une forme différente - dans le premier, et revient à nouveau dans le troisième.

La mélodie grégorienne Media vita mentionnée plus haut, issue du premier mouvement, est reprise dans le deuxième ; les structures harmoniques du premier mouvement réapparaissent dans le troisième, tout comme certains éléments musicaux du premier mouvement, qui sont transformés en gestes secondaires dans le mouvement final.

Un circuit complexe de relations temporelles et d'informations est ainsi établi, reliant les trois mouvements d'une manière analogue à celle dont les circuits eulériens relient les nœuds.

L'écriture orchestrale est loin d'être un simple accompagnement du soliste ou une simple réplique décalée dans le temps. Fréquemment, l'un - le soliste ou l'orchestre - émerge de l'autre, parfois en le renforçant, parfois en le soulignant, parfois en le dépassant, parfois en le contredisant. Les alternances utilisant le même matériau perdent de l'importance par rapport au concept traditionnel du concerto et gagnent en signification lorsque l'orchestre élargit l'entité acoustique présentée par le piano.

Ce concerto est le fruit d'une réflexion sur les différentes formes de relations entre le soliste et le tutti, qui traduisent finalement la relation entre l'individu et la société.

Alberto Posadas