Née en 1959, Yasmina Reza évolue dès son enfance dans une atmosphère aussi artistique que cosmopolite. Elle a étudié la sociologie et le théâtre à l’université de Nanterre.
Comédienne puis metteur en scène, nourrie par le théâtre de Nathalie Sarraute, Yasmina Reza écrit sa première pièce en 1987, Conversation après un enterrement, suivie, en 1989, par La Traversée de l’hiver. En 1994, elle devient une dramaturge de renommée internationale grâce à Art, pièce traduite en vingt langues qui obtient de nombreuses récompenses dont un Tony Award du meilleur auteur aux Etats-Unis.
En 1997, elle publie un recueil de courtes nouvelles autobiographiques où la mélancolie se double d’une verve caustique : Hammerklavier. Des éclats furieux contre le monde contemporain, déclinés en 45 chapitres qui, une fois assemblés, forment une curieuse mélodie, rageuse et passionnée.
Son premier roman, Une désolation (1999), confronte deux philosophies de la vie. Avec une ironie acerbe, elle campe des personnages hantés par le temps, son thème de prédilection. En effet, son œuvre semble être une tentative pour piéger le temps qui passe : « Tous mes personnages sont au milieu de leur vie, avec le sentiment de basculer vers la mort. C’est une chose que j’ai toujours ressentie. Même à 20 ans. Ce sentiment de manquer de temps et de basculer vers la mort ».
En 1999, elle rédige le scénario du Pique-Nique de Lulu Kreutz, le film de son compagnon Didier Martiny, avant de revenir au théâtre avec Trois versions d’une vie (2000) où elle interprète elle-même l’épouse alcoolique, gaffeuse, cocasse et hystérique.
Adam Haberberg (2003, réédité sous le titre Hommes qui ne savent pas être aimés), est un roman sur la fragilité et la solitude des êtres, sur la faiblesse humaine. « Mes personnages sont des gens qui dérapent, qui s’enlisent, qui sont de grands impulsifs, qui finissent par faire fondre toutes les convenances et qui ont en général une vision du monde assez pessimiste. »
Toujours en 2003, elle écrit pour le metteur en scène Luc Bondy Une pièce espagnole. Pièce à tiroirs où les personnages sont d’abord des comédiens censés répéter la pièce en question.
En 2005, Yasmina Reza publie deux petits livres : Nulle part, texte autobiographique qui fait écho à Hammerklavier, et Dans la luge de Schopenhauer, qui raille la philosophie comme art de vivre. Dans le premier opuscule, elle rassemble ses souvenirs et s’interroge sur ses origines. « Avec une infinie légèreté, une grande pudeur, Yasmina l’apatride sonde l’énigme de l’identité, s’étonne, s’interroge. Elle dont le passé a des allures de terre introuvable, de champ rocailleux où l’on tenterait en vain de creuser une tombe. […] Comme en écho à ce petit bijou, Dans la luge de Schopenhauer répond aux mêmes obsessions. Il raconte l’histoire à plusieurs voix d’un penseur malade, un disciple d’Althusser que la philosophie n’a pas sauvé. Celle de Yasmina résiderait plutôt dans une sorte de Carpe diem, de frivolité assumée, de légèreté raisonnée. Comme un pansement posé sur l’oubli. » (Olivier Le Naire, L’Express, 29 août 2005)
Dans Le dieu du carnage (2007), elle mêle à un quotidien banal la singularité de nos humanités. Au départ, une rixe entre deux adolescents. Pour régler leur différend, deux couples s'enferment dans un huis clos poli qui vire au carnage. « Le dieu du carnage, c'est un peu Courteline à l'ère de Nathalie Sarraute. C'est-à-dire qu'on s'y bat comme des chiffonniers avec des arrière-plans qui explorent l'inconscient et des mots qui expriment souvent le contraire de la pensée profonde. » (Gilles Costaz, Les échos). La pièce a été adaptée au cinéma par Roman Polanski en 2011.
Pour écrire L’Aube le soir ou la nuit (2007), Yasmina Reza a suivi Nicolas Sarkozy pendant des mois afin de dresser le portrait littéraire d’un homme parti à la conquête du pouvoir. « Contrairement aux journalistes politiques qui ont tendance à s'attacher aux stratégies, aux moments clés d'une campagne, Yasmina Reza ne s'est intéressée qu'à l’homme en conquête. » (Carl Meeus, Le Figaro Magazine, 25 août 2007)
« A l’instar de Nathalie Oppenheim, l’écrivain que l’on trouve au cœur de sa pièce la plus récente, Comment vous racontez la partie (2011), texte acide créé au Deutsches Theater de Berlin en octobre dernier mais pas encore monté à Paris, la dame pratique une littérature mordante, sans gras. » (Alexandre Filon, Lire, février 2013)
Heureux les heureux (2013) est « une comédie humaine cruellement juste. Un roman choral, le plus accompli de son auteur, qui emboîte avec virtuosité les êtres et les histoires. Et aborde en chemin des sujets aussi universels que l’amour et l’amitié, la vie et la mort, le couple et la famille. […] Depuis les coulisses d’où elle tire les ficelles et orchestre le ballet des ses héros aux prises avec le quotidien, Yasmina Reza regarde les hommes et les femmes, tous âges confondus, avec une même adresse. Son art consommé des situations et des dialogues, son sens du rythme et du détail lui permettent de creuser les faiblesses et les fêlures de chacun. De mettre à nu leurs rêves et leurs désillusions. Le dosage de la romancière est parfait : un savoureux mélange de légèreté, de gravité et de mystère. Totalement séduit, le lecteur a parfois le fou rire et parfois le cœur serré. Comme dans la vie qui donne et qui reprend, qui exalte et qui broie. Ce que Yasmina Reza montre mieux que personne. » (Alexandre Filon, Lire, février 2013)
Dans le 95, qui va de la place Clichy à la porte de Vanves, je me suis souvenue de ce qui m’avait enchaînée à Igor Lorrain. Non pas l’amour, ou n’importe lequel des noms qu’on donne au sentiment, mais la sauvagerie. Il s’est penché et il a dit, tu me reconnais? J’ai dit, oui et non. Il a souri. Je me suis souvenue aussi qu’autrefois je n’arrivais jamais à lui répondre avec netteté. — Tu t’appelles toujours Hélène Barnèche ? — Oui. — Tu es toujours mariée avec Raoul Barnèche ? — Oui. J’aurais voulu faire une phrase plus longue, mais je n’étais pas capable de le tutoyer. Il avait des cheveux longs poivre et sel, mis en arrière d’une curieuse façon, et un cou empâté. Dans ses yeux, je retrouvais la graine de folie sombre qui m’avait aspirée. Je me suis passée en revue mentalement. Ma coiffure, ma robe et mon gilet, mes mains. Il s’est penché encore pour dire, tu es heureuse? J’ai dit, oui, et j’ai pensé, quel culot. Il a hoché la tête et pris un petit air attendri, tu es heureuse, bravo.
Source : Éditions Flammarion
Born in 1959 in Paris, of a Hungarian violinist based in Paris since the establishment of the "Iron Curtain", and a Jewish buisness man of Russian origen, Yasmina Reza evolves, from childhood in an atmosphere as artistic and it is cosmopolitan.
An actress and then screen director, nourished by the theater of Nathalie Sarraute, Yasmina Reza wrote her first play in 1987, Conversation après un enterrement, followed by in 1989 of La Traversée de l'hiver. In 1994, she becomes a playwright of international renown thanks to Art a play translated into twenty languages, which received numerous awards including a "Tony Award" for best writer in the United States.
In 1997 she published a collection of autobiographical short stories in which melancholy is coupled with a caustic verve: Hammerklavier. Bursts of rage against the modern world, broken down into 45 chapters which, when assembled, form a curious melody, of anger and passion.
Her first novel, Une désolation (1999), confronts two philosophies of life. With bitter irony, she portrays the characters haunted by time, her favorite theme. Indeed, her work seems to be an attempt to trap the passage of time: "All my characters are in the middle of their lives with the impression of moving towards death. It's something I've always felt. Even at 20 years old. This feeling of running out of time and moving towards death".
In 1999, she wrote the screenplay for the Pique -Nique from Lulu Kreutz, the film by her companion Didier Martiny, before returning to the theater with Trois Versions d'une vie (2000) where she plays herself an alcoholic wife, blundering, comical and hysterical. This fifth comedy, tangy variation on our powerlessness and our pettiness, was created simultaneously in autumn 2000 in Vienna, Paris and Athens.
Adam Haberberg (2003), is a novel about the fragility and loneliness of human beings, and of human weakness. "My characters are people who get out of hand, who are bogged down, who have big impulses, who eventually melt all the conveniences and generally have a pessimistic vision of the world."
Also in 2003, she wrote for the director Luc Bondy Une piéce espagnole. Play of different parts where the characters are first actors supposing to rehearse the play in question.
In 2005, Yasmina Reza published two books: Nulle part an autobiographical text that echoes Hammerklavier, and Dans la luge de Schopenhauer, which mocks philosophy as a way of life.
In the first book, she gathers her memories and wonders about her origins. "With an infinite lightness, great modesty, Yasmina a stateless person probes the mystery of identity, astonished, wonders. She whose past looks like an unfound land, a rocky field where we would try in vain to dig a grave. (...) Like an echo of this little gem, Dans la luge de Schopenhauer responds to the same obsessions. It tells the story in many voices that of an ill thinker a disciple of Althusser that philosophy has not saved. That of Yasmina resides in a kind of carpe diem, assumed frivolity, reasoned lightness. Comme une pansement posé sur l'oubli" (Olivier Le Nair, the Express, 29 August 2005)
In his new creation, Le dieu du carnage (Albin Michel, 2007) she mixes to a banal everyday uniqueness of our humanity. From the trivial, she makes it fierce. Initially, a fight between two teenagers. To settle the dispute, two couples lock themselves into a closed space that turns into a carnage. "Le Dieu du carnage is a bit Courteline in the era of Nathalie Sarraute. That is to say we fight with backgrounds that explore the unconscious and words that often express the opposite of deep thought." (Gilles Costaz, Echoes) The writer did the screen direction herself. The play is currently playing - until May 31 - in Paris at the Théâtre Antoine-Simone Berriau.
To write the L'Aube le soir ou la nuit (Flammarion, 2007), Yasmina Reza followed Nicolas Sarkozy for months to give the literary portrait of a man out to conquer power. "Unlike political journalists who tend to focus on the strategies, key moments of a campaign, Yasmina Reza is only concerned about the man in conquest." (Carl Meeus, Le Figaro Magazine, 08/25/2007)
"L'Aube le soir ou la nuit is a curious work. (...) In this disorder which ends up giving an idea of chaos on the side lines of the election campaign, there is a curious mixture of thoughts, bits of dialogue, scenes and remarks often of great finesse and humor." (JS Stehli, L'Express, 30/08/2007)