Born in 1969 in Haiti, Jean-Euphèle Milcé refers to himself as an ex-elite. He has a degree in applied linguistics from the Université d'Etat d'Haïti, and further training in documentation and library management. He has taught Creole literature in his home country and directed Haiti's main heritage library.
He published his first texts in Creole as part of the Vendredis Littéraires programme run by the Université Caraïbes under the guidance of novelist Lyonel Trouillot, with whom he founded the journal Lire Haïti. The father and husband of a half-Haitian, half-Fribourg family, he moved to Switzerland in 2000. Since then he has worked on a number of library projects in French-speaking Switzerland
L’Alphabet des nuits est son premier roman qui a reçu le Prix Georges-Nicole 2004 destiné à un écrivain de langue française - Suisse ou résidant en Suisse - n’ayant jamais été édité.
Ce très beau roman est avant tout un hymne à un pays plongé dans une nuit emplie de peurs et de rumeurs, à une terre qu’on pourrait penser maudite mais qui a « le don de se loger aux tréfonds de l’âme de ceux qui l’ont abordée. » Un hymne à la magie d’Haïti, que chacun aimerait quitter, dont quelques-uns s’éloignent, mais que personne n’arrive à oublier. « Port-au-Prince se réveille toujours avec ses cris, ses douleurs mal exprimées dans une enveloppe de fumée. De bas en haut, les espoirs massacrés par le vit-qui-peut planent sur un espace qui a perdu son destin de capitale. (…)
Chaque jour peut-être la fin d’un monde ou celle d’un homme. Se cacher est suicidaire, vivre est tout simplement dangereux. (…) Dieu a choisi cette ville pour expérimenter son concept de l’enfer. »
Dès les premières pages, le ton est donné et l’homme qui va mourir est Lucien, l’amant du narrateur, tué par un policier qu’il avait insulté dans un bar. Assael, le narrateur, qui égrène sa douleur et sa colère dans L’Alphabet de la nuit est un commerçant juif de Port-au-Prince qui se sent obligé de fuir après le meurtre de son ami. Mais « un Juif sans boutique, ça n’existe pas dans les républiques bananières.
C’est notre secteur de survie, les seuls vrais rapports qu’on entretient avec ces pays. » Alors, dans un pays plongé dans un chaos fonctionnel total, le narrateur tente malgré tout de sauver sa boutique: «sans vouloir jouer au prophète dans un pays qui appartient au fou rire des violeurs, je prévois une éclipse éternelle avant la fin de mon monde. Vivre ici, c’est accepter le poids de la mort de Lucien. C’est accepter de castrer la parole. »
« En brouillant les repères temporels et en élisant pour héros un éternel déraciné, Jean-Euphèle Milcé donne des allures de fable (de la dictature), de parabole (de l’exil, du Juif errant) à sa fiction où les thèmes s’accumulent sans lourdeur. (…) Cent cinquante pages ne suffisent pas à faire le tour de la société haïtienne, mais permettent de découvrir une voix, un regard. L’auteur a une écriture pulsative, effervescente, audacieuse, et traversée d’images qui rendent le réel phosphorescent. Elle surgit de la plume d’un créateur revendiquant plus son métissage que son identité caribéenne. » (Elisabeth Vust, 24Heures)