« Je suis né le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk (Sibérie). Mon enfance fut marquée par l’immensité des espaces sibériens, par la singularité des us et coutumes de cette contrée, par son passé (évoqués dans Au temps du fleuve Amour). Durant ces années là, on rencontrait dans les villes russes des anciens prisonniers du Goulag et des rescapés des camps allemands. Leurs récits ainsi que plus généralement le passé de l’époque stalinienne (la terreur politique et la lutte contre l’invasion nazie) se sont profondément gravés dans ma mémoire.
La présence d’une Française (qui apparaît sous le nom de Charlotte Lemonnier dans Le testament français) forme un monde à part dans l’univers sibérien de mes jeunes années. Elle m’initie à la langue et à la culture françaises. Devenant bilingue, je découvre aussi une autre forme de bilinguisme : celle que manie la poésie en réinventant la langue. Les poèmes (de jeunesse) que j’écris me laissent expérimenter cet « entre-deux-langues » de l’écriture poétique que j’ai déjà exploré dans le passage du russe au français. Ces expériences de bilinguisme me font prendre conscience que le monde n’est pas unique, que la résistance à la pression idéologique est possible précisément grâce à ces mondes doubles, qu’il y a toujours un ailleurs.
A l’époque, je cherche cet ailleurs dans les voyages (Sibérie, Extrême-Orient, Asie centrale, le Grand Nord russe), au cours des années 70. Ce sont aussi les années d’université à Kalinine puis à Moscou. D’autres voyages me mènent en Europe occidentale, en Asie, en Afrique et en Australie. Depuis la fin des années 80, je vis en France. J’enseigne quelques années à Sciences-Po, fais une thèse de doctorat sur l’oeuvre d’un grand poète et prosateur russe, Ivan Bounine. En 1990, je publie La fille d’un héros de l’Union soviétique, en 1995, Le testament français obtient plusieurs prix littéraires, dont le Goncourt. »